Les règles sociales et moi

Les règles sociales et moi

Bonjour à tous! Aujourd’hui, dans cet article, je parlerai des règles sociales chez les gens autistes comme moi.  Vous pourrez mieux comprendre la façon dont je perçois ces règles en lisant les paragraphes suivants.

Une personne autiste peut avoir de la difficulté à comprendre les règles pour bien vivre en société. Elle peut même parfois ne pas voir l’importance de respecter l’une de ces règles. Mais ce n’est pas sa faute; c’est sa façon de penser qui est différente de la vôtre, vous, les gens neurotypiques. Je vais vous donner quelques exemples clairs et précis de mes expériences de vie de lorsque j’étais plus jeune à ce sujet et les explications pour vous aider à mieux comprendre.

Manu : Le concept de règles sociales n’est pas simple. C’est une série de codes que nous nous sommes donnés pour un « mieux-vivre ensemble », mais qui n’existent souvent pas officiellement, ni par écrit. Ce ne sont pas des règlements précis et, en plus, ils varient selon les personnes avec qui nous nous trouvons. C’est donc un autre défi quotidien pour les personnes autistes.

Il m’est déjà arrivé de discuter avec quelqu’un et de ne pas respecter « la bulle » de l’autre personne. La personne reculait mais moi je ne comprenais pas pourquoi elle faisait cela, alors je m’avançais toujours plus proche.  Cette règle sociale n’était pas encore insérée dans l’un de mes tiroirs.  On me l’a expliqué visuellement et j’ai tout de suite compris.  La règle est allée s’insérer dans l’un de mes tiroirs dans mon cerveau et maintenant, elle y est insérée à vie.

Très jeune, j’avais beaucoup de difficulté à ne pas couper la parole.  Par exemple, deux personnes pouvaient discuter entre elles, et moi j’interrompais leur discussion puisque moi aussi j’avais quelque chose à dire!  Aujourd’hui, je comprends beaucoup mieux (malgré certains petits oublis… Oups!).

J’avais également de la difficulté à comprendre la notion « c’est à mon tour » et « c’est à ton tour ». On me l’a expliqué avec un outil visuel et on l’utilisait autant de fois que nécessaire.  Je vous explique :  sur un bâtonnet, il y avait sur un côté une photo de moi, puis sur l’autre côté du bâtonnet, il y avait une photo de l’autre personne.  Je comprenais mieux grâce à cet outil visuel.  Aujourd’hui, tout cela est acquis pour moi, alors je n’ai plus du tout besoin de cet outil.

Lorsque l’on s’occupe d’une personne autiste, il y a de très fortes chances (pour ne pas dire assurément) que l’on doive travailler la notion des règles sociales et des codes de vie avec elle.  Je vous donne ce truc qui a fonctionné avec moi.  À chaque situation vécue que la personne ne comprend pas ou si elle ne voit pas l’importance, faites-lui des dessins ou expliquez-lui cette situation de façon visuelle (exemples : scénarios sociaux, vidéo…) car les gens autistes comprennent beaucoup plus facilement en regardant qu’en écoutant la consigne.

Maintenant, je vais vous expliquer la notion des intérêts « restreints » chez les personnes autistes qui fait partie des règles sociales.  Lorsqu’il y a un sujet en particulier que nous adorons, nous pouvons tout faire pour nous renseigner sur celui-ci.  Par exemple: consulter des articles sur internet, écouter des vidéos, regarder des images ou des photos, etc. Le sujet nous fascine tellement que nous en parlons aux gens sans arrêt et même de façon très intense.  On doit nous mentionner et nous apprendre que si nous en parlons trop souvent et trop longtemps aux gens dans la même journée, nous pourrions perdre leur attention et leur intérêt ou ne pas voir que notre sujet n’intéresse pas les autres et continuer à en parler.  On ne pourrait jamais s’en rendre compte sinon. Pour nous, notre sujet est tellement intéressant et amusant que c’est plus fort que nous et nous ressentons le réel besoin d’en parler!

Manu : Je vous ramène ici à la « Théorie de l’esprit ». En fait, plusieurs personnes autistes n’arrivent pas à voir que l’autre n’est pas intéressé et, surtout, ne pas concevoir que « si moi j’aime ça, alors tout le monde doit aimer ça! » Il existe plusieurs vidéos intéressants sur Internet qui démontre bien cette notion. Notamment par « l’expérience de Sally et Ann ». Par exemple, en changeant les bonbons d’une boîte de bonbons connus par de petits cailloux, l’enfant autiste croira au départ que ce seront des bonbons dans la boîte. Après la découverte (et avouons-le la grande déception!), l’enfant autiste saura que la boîte de bonbons contient maintenant des cailloux. En lui demandant : « Quand ton ami X entrera dans la salle et qu’il prendra la boîte (contenant toujours des cailloux), que crois-tu qu’il pensera qu’elle contient? », sa réponse pourrait fort possiblement être « des cailloux ». Il ne fera pas le lien que son ami ne sait pas ce qu’elle contient lui, qu’il devra aussi le découvrir. « Si je le sais, il doit lui aussi le savoir » se dira-t-il.

Pour certaines personnes autistes, leurs intérêts peuvent être les dinosaures ou encore les pays dans le monde, etc.  Présentement, pour moi, l’un de mes intérêts restreints est les autobus.  Chaque personne autiste a des intérêts restreints différents et qui peuvent varier dans le temps.  Pour mieux comprendre pourquoi je ressens un besoin si fort de parler de mes intérêts aux autres, je vais vous expliquer de façon imagée un exemple qui a un lien avec mon intérêt pour les autobus. Imaginez une image d’autobus ou juste le mot « autobus » au milieu d’une roue géante que l’on peut tourner. Sur les petites divisions de la roue géante, il y a tout ce que je sais à propos de ce moyen de transport:  les différentes sortes d’autobus (scolaires, adaptés, de ville, etc.), le nom de la compagnie de transport, le lettrage, la couleur, la grandeur, le nombre de sièges, les entrées et sorties possibles, les porte-bagages s’il y a lieu, le son qu’il fait lorsqu’il recule, etc.  Donc, lorsque je parle de mes intérêts, c’est comme si je pouvais tourner cette roue géante dans ma tête et que je pouvais retourner chercher les informations que je sais sur le sujet et pouvoir mieux l’expliquer aux autres personnes. C’est ce qui fait aussi que j’ai tant de choses à dire sur le sujet, qu’il est presque inépuisable pour moi puisque j’irai chercher le moindre petit détail de celui-ci.

Certaines personnes autistes ont également de la difficulté avec la rigidité dans les règles sociales. Je vous explique :  si une personne autiste apprend un règlement, celui-ci va s’insérer dans un tiroir de son cerveau et y rester toute sa vie.  Je vais vous donner un exemple :  lorsque j’étais plus jeune et que le règlement était de ne pas parler dans le corridor à l’école, je le respectais parce que l’image dans mon cerveau correspondait au règlement.  Cependant, si je voyais quelqu’un qui parlait dans le corridor, l’image que j’avais dans mon cerveau ne correspondait plus et cela m’amenait de l’anxiété.  Voir une personne qui ne respecte pas le règlement peut nous apporter de l’anxiété et un sentiment de mal-être.  Une règle apprise pour une personne autiste reste une règle apprise. En fait, je pense que ce n’est pas tellement une rigidité, je crois plutôt que c’est une façon différente de penser des personnes autistes.

Manu : Et ça représente tout un défi. Pour nous neurotypiques que nous sommes, nous cherchons toujours (ou presque) à contourner les règles, aller à la limite permise de cette règle, on cherche les zones grises et on comprend rapidement que la règle peut varier dans le temps et dans son intensité selon le moment de la journée par exemple. Vrai qu’on ne doive pas parler dans le corridor, mais on sait qu’on peut possiblement chuchoter pendant que les classes sont débutées ou parler à la récréation ou sur l’heure du dîner dans ce même corridor. On sait aussi que si quelqu’un parle, il s’expose à une conséquence et que nous ne contrôlons pas cela et nous vivons bien avec la possibilité que quelqu’un transgresse cette règle. Pour une personne autiste comme Thomas, la règle est immuable et doit être respectée par tous à tout moment. Les zones grises sont souvent inexistantes. C’est blanc ou c’est noir. Tout ce qui se retrouve à l’extérieur de ces couleurs peut causer une anxiété qui peut devenir ingérable. Faut leur apprendre le « lâcher prise » et qu’ils ne peuvent tout contrôler.

Connaissez-vous les cercles des connaissances (ou sociaux)?  Je vous explique.  C’est un outil visuel qui explique aux personnes autistes comment interagir avec les autres, par exemple leur famille, leurs amis, les connaissances, etc.  Cela est difficile pour les personnes autistes de faire la différence.  Je vais vous expliquer de façon plus détaillée cet outil visuel.  Imaginez-vous un cercle qui est divisé en six parties non-égales de couleur différentes (du plus petit cercle au plus grand cercle).  Dans le plus petit cercle, il y a la personne elle-même.  Dans le cercle autour, ce sont les membres de sa famille.  Dans celui autour, ce sont ses amis(es).  Dans celui autour, il y a ses connaissances.  Pour finir, dans le grand cercle autour, il y a les inconnus.  Prenons l’exemple de la salutation.  Dans chaque cercle, on écrit ou dessine chaque façon de saluer les gens (ex : on peut sourire à un inconnu, on peut saluer de la main une connaissance, on peut donner une poignée de main à un ami, on peut serrer un membre de sa famille dans ses bras, etc.).  Lorsque j’étais très jeune, j’avais de la difficulté à comprendre cette notion. Aujourd’hui, je comprends très bien car j’ai vu cet outil visuel qui m’a été expliqué à mon plus jeune âge.  Je crois que le cercle des connaissances fait partit des outils visuels qui m’ont le plus aidé dans les règles sociales, bien sûr après les scénarios sociaux.

Manu : Il s’agit d’un outil intéressant et beaucoup utilisé. C’est un outil d’abord créé pour la déficience intellectuelle. Il faut cependant faire aussi attention à cet outil et expliquer que la place dans un cercle n’est pas immuable, que tout le monde peut changer de place et de cercle. Par exemple, un étranger peut devenir une connaissance, mais pas obligatoirement. Une connaissance peut devenir un ami… peut ensuite devenir un amoureux et même un membre de la famille. Le chemin inverse est aussi possible. L’amoureux de ta sœur qui devient presque un membre de la famille peut devenir un ami ou une simple connaissance après une rupture.

 

Là où ça peut aussi se compliquer est que la place et le rôle d’une personne peuvent être différents à l’intérieur même d’un même cercle. Il y a par exemple des intervenants ou professeurs avec qui un câlin peut être possible. Cette personne ne devient pas pour autant un ami et on ne fera pas de câlin à tous nos profs et intervenants. Ce n’est pas si simple. Plusieurs personnes aiment maintenant utiliser des triangles, mais qui causent les mêmes défis au niveau des rôles qui peuvent changer ou évoluer. Mais ces triangles sont placés côte-à-côte. Le premier avec la pointe vers le bas et le 2e avec la pointe au haut. Dans le premier, ce sont les rôles (moi, ma famille, mes amis, les professeurs et intervenants, les connaissances, les inconnus, etc. Vous comprenez que les bandes du triangle sont de plus en plus larges puisqu’il y a plus d’inconnus que de membres de notre famille. L’autre contient les choses qu’on peut faire avec ces gens. À l’inverse, la largeur diminue plus on s’approche du sommet puisque le nombre de choses qu’on peut faire avec un étranger est beaucoup plus petit que celles que nous pouvons faire avec nos amis.

Lors de mon premier article, je vous ai expliqué que j’avais des défis à relever. Alors, dans mon prochain texte, je vous parlerai de l’un de mes défis quotidiens.

Je vous remercie de m’avoir lu et à la prochaine!

Thomas

P.S. Veuillez noter que les images incluses dans ce blogue ont été prises sur divers sites internet pour imager les propos de Thomas. Les « pyramides sociales » ont été créées par Manu.

Les règles sociales et moi

La communication

Bonjour à tous, chers lecteurs et chères lectrices!

Pour ce sixième article, je vous parlerai de la communication. Vous découvrirez comment je communique avec les gens, mon parcours verbal depuis mon plus jeune âge, etc. Alors, il ne me reste plus qu’à vous dire de vous plonger dans votre lecture!

Je disais quelques mots entre un et trois ans. J’ai toutefois commencé à parler à l’âge de trois ans et demi et je faisais beaucoup d’écholalie. Effectivement, j’ai commencé à parler plus tard que les autres mais dans ma petite enfance (entre un et deux ans), je n’étais pas encore rendu à parler. Je crois que cet apprentissage est arrivé un peu plus tard chez moi dû à mon autisme. Par contre, je peux vous dire qu’aujourd’hui, je suis un vrai moulin à paroles! Je n’arrête pas de parler durant le jour, et ce, du matin jusqu’au soir! Parfois, cela en est drôle J

Manu : L’écholalie, bien que beaucoup présente chez les autistes notamment pour «traiter de l’information», est une étape normale de l’acquisition de la parole chez tous les enfants, qu’ils soient ou non autistes. C’est par l’écholalie que l’apprentissage de la parole se fait. C’est en répétant ce que les autres disent, c’est en tentant de reproduire les « ma-man » que les bébés apprennent à dire leur premier « maman »!

La communication c’est une action qui est un peu plus difficile pour moi. Il y a une différence entre parler et communiquer. Pour moi, parler, c’est raconter aux autres mes intérêts, mes anecdotes, etc. Alors que pour moi, communiquer c’est s’informer de l’autre personne et c’est de la comprendre.

Très jeune, il y a des choses drôles que j’ai dites aux gens.  Voici un exemple : Je voulais participer à un tirage et la personne m’a demandé si je voulais participer au « concours ».  Je lui ai demandé : « Est-ce que c’est comme quand « qu’on court » ? »  Je connaissais déjà le mot tirage mais je ne connaissais pas le mot concours, alors l’image qui m’est venue en tête était celle qui correspondait au son « qu’on court » du verbe courir et qui n’a aucun lien avec le mot tirage.

Très jeune enfant, j’ai entendu des « expressions» de la vie et je me demandais si elles correspondaient à ma compréhension de personne autiste. Je vous explique : j’ai déjà entendu, par exemple :

Des « moyens de transports ».  J’ai alors demandé s’il existait des « petits ou des grands de transports ».

Puisque l’on pouvait avoir les « yeux larmoyants », j’ai demandé si nous pouvions avoir les yeux « larpetits » et les yeux « largrands ».

Je pensais également que puisqu’il existait des « artichauts », qu’il existait forcément des «artifroids ».

Comme on pouvait réaliser des « mises à jour » sur l’ordinateur, j’étais sûr que l’on pouvait réaliser aussi des     « mises à soir ».

On m’avait félicité pour avoir tracé une belle ligne droite et j’ai répondu : « oui, pas une belle ligne gauche!»

Alors que j’aidais à emballer un cadeau de Noël, on m’avait dit de mettre un « chou » sur le cadeau. Je suis alors allé chercher un « chou » dans mon tiroir de jouets de nourriture en plastique!

Aujourd’hui, je trouve toutes ces anecdotes très drôles!

Il y a aussi certaines expressions et certains proverbes que les personnes neurotypiques disent qui sont tellement imagés que cela me fait bien rire.  Par exemple : « Il ne faut jamais dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau » et « Petit train va loin ». J  Je trouve cela très drôle aujourd’hui car je les comprends mieux. (Quand je les ai entendus la première fois, je ne les comprenais pas).

Nous pouvons utiliser un mot dans la vie de tous les jours (exemple : opération), et celui-ci peut avoir plusieurs significations.  Jeune, le mot « opération » voulait dire pour moi :   une intervention chirurgicale. Lorsque j’apprenais les mathématiques et que l’on me disait le mot « opération », cela ne faisait aucun sens pour moi, parce que je m’imaginais un chirurgien en train d’opérer!  Donc, comme il y avait plusieurs mots du quotidien que l’on retrouve en mathématiques et que je ne comprenais pas, un lexique mathématique m’aidait à les comprendre. Ce lexique m’expliquait ce que le mot voulait dire dans la notion des maths.

J’ai alors appris que « opération » voulait dire: faire un calcul.

« Sommets » voulait dire les bouts pointus d’une forme géométrique.

« Croissants » signifiait du plus petit au plus grand.

« Tables » signifiait les tables d’additions, de soustractions, de multiplications et de divisions.

Si je n’avais pas eu ce lexique, j’aurais continué de comprendre que :

« Sommets » voulait dire le haut d’une colline.

« Croissants » signifiait la pâtisserie.

« Tables » signifiait une table avec des chaises.

Les mots ayant plusieurs significations n’étaient pas juste un problème en mathématiques pour moi, dans d’autres concepts aussi. Il fallait tout simplement m’expliquer « visuellement » les autres significations du mot et je comprenais.

Manu: Il faut donc faire attention et bien choisir ses mots et valider la compréhension des expressions qu’on utilise. Thomas, comme plusieurs personnes autistes, prend le sens au pied de la lettre. Vous pouvez donc créer beaucoup d’incompréhensions et d’images contradictoires.

Je pense par groupes d’images. Toutes les catégories d’images que je connais sont alors classées dans des classeurs dans mon cerveau, tel qu’expliqué dans l’article précédent. Lorsque j’entends un mot pour la première fois, je l’enregistre dans mon cerveau. Alors, si celui-ci est réutilisé dans un autre contexte, cela ne fait pas de sens pour moi. Dans ces moments-là, il faut m’expliquer visuellement la deuxième signification du mot pour que je l’enregistre dans ma mémoire.

Pour vous les personnes neurotypiques, cela peut vous paraître drôle, mais pour nous les personnes autistes, c’est de l’incompréhension. C’est alors pour cela que lorsque je parle avec quelqu’un, et que cette personne dit un mot dans une catégorie d’images que je connais, je m’arrête quelques secondes et je prends le temps d’aller chercher ce groupe d’images pour l’emporter jusqu’à ma compréhension.

Également, les personnes neurotypiques disent beaucoup d’expressions et de proverbes dans une journée; cela est difficile pour les personnes autistes de tous les comprendre. Pour vous, c’est drôle lorsque nous prenons au pied de la lettre une expression que vous dites, mais pour nous, les gens autistes, c’est de l’incompréhension. On pense que c’est la réelle signification de l’expression et on ne comprend pas. C’est important d’expliquer les proverbes et expressions aux personnes autistes afin qu’elles les comprennent.

Il est beaucoup plus facile d’exprimer son incompréhension et sa difficulté à communiquer lorsque la personne autiste est verbale. Maintenant, pensez aux personnes autistes qui sont non-verbales… Elles ne peuvent pas l’exprimer ce qu’elles ne comprennent pas! Elles ne peuvent pas parler non plus! C’est alors bien important autant pour les personnes verbales que non-verbales d’utiliser du visuel pour leur compréhension.

Le langage non-verbal fait également partie de la communication.  Même encore aujourd’hui, il est toujours difficile pour moi. J’ai de la difficulté à décoder l’expression faciale d’une personne (tristesse, colère, peur, surprise, inquiétude, etc.). J’ai également cette difficulté dans les films; l’acteur peut être déçu, content, furieux, ou encore inquiet, mais je ne comprends pas pourquoi il a cette émotion car les situations de films sont généralement abstraites pour moi. Alors, en tant que personne autiste, j’ai de la difficulté à comprendre ce qui est abstrait. Même les situations de la vie (bonnes nouvelles, mauvaises nouvelles, blagues racontées, etc.) m’empêchent parfois de décoder la bonne expression faciale de l’autre personne.

Manu : Et c’est d’ailleurs pour cette raison que plusieurs croient à tort que les autistes n’ont pas d’empathie. Décoder les émotions des autres leur est difficile voire impossible pour certains. Alors comment peut-on éprouver de l’empathie et vouloir se mettre dans la peau de l’autre quand on ne sait pas ce qu’il ressent, quand on n’arrive à le décoder et même le comprendre? Vous admettrez que c’est extrêmement difficile. Au final, peut-être que leur empathie est plus grande que la nôtre puisque constamment ils analysent pour tenter de décoder notre visage? Vous comprendrez donc que tout cela  peut devenir très irritant et fatigant pour une personne autiste de toujours avoir un cerveau en ébullition pour comprendre et analyser.

J’espère que votre lecture d’aujourd’hui vous a appris plus de choses sur ma communication avec les autres personnes.  Dans le prochain article, je vous parlerai des règles sociales.

Merci de m’avoir lu!

À la prochaine!

Thomas

Les règles sociales et moi

Mes sens

Bonjour à vous, chers lecteurs!

Dans l’article d’aujourd’hui, vous découvrirez comment mes sens fonctionnent. En tant que personne autiste, mes sens ne fonctionnent pas tout à fait comme les vôtres. Oui, j’ai les mêmes sens qu’une personne neurotypique, mais certains de mes sens sont plus hyper stimulés tandis que chez d’autres personnes autistes leurs sens sont hypo stimulés. Il est à noter que je parlerai de mes sens principaux, c’est-à-dire ceux que j’ai eu le plus de difficulté à travailler. Alors, plongez-vous dans votre lecture pour en savoir plus!

La vue

Je suis une personne très visuelle et je remarque les moindres petits détails et j’observe beaucoup de choses dans une journée.

Je dois aussi vous faire part que je comprends beaucoup mieux les situations qui me sont difficiles à gérer (par exemple, les changements) par le visuel que par l’auditif. De simples petits dessins, des pictogrammes, des séquences, des scénarios sociaux m’aident énormément à comprendre ce que je ne comprends pas en tant que personne présentant un TSA (trouble du spectre de l’autisme).  De plus, la personne qui explique n’a pas besoin d’être un artiste pour me faire des dessins car même les plus simples dessins feront toute la différence pour moi.

Manu explique : En ce sens, évitez les couleurs et les surplus de détails dans vos pictogrammes. Allez droit au but. Inutile de mettre un soleil, de beaux vêtements colorés ou autres. Ces détails pourraient entraîner une mauvaise compréhension de votre message. Puisque plusieurs autistes apprennent mieux « dans le mouvement », dessiner le picto devant la personne en expliquant ce que vous dessinez simplement peut aussi grandement aider.

Ne sous-estimez pas le « pouvoir » des pictos même si vous croyez que la personne autiste près de vous comprend bien le verbal. Le visuel a un grand pouvoir!

Les situations de la vie (école, maison, vacances, camp de jour, fêtes de l’année, saisons, etc) et même les catégories d’objets dans la cuisine, le salon, la salle de bain, la salle de lavage, la chambres à coucher, etc sont classées par images dans ma tête, un peu comme dans des tiroirs dans lesquels les papiers sont classés. Lorsque j’ai besoin de quelque chose dans l’une de mes catégories d’images, je vais chercher l’image correspondante dans le bon tiroir de mon cerveau et je l’emporte jusqu’à ma compréhension.  Parfois, les images ont besoin d’être changées de place dans ma tête. Je vous donne un simple exemple: lorsque Noël est terminé, je dois changer les images pour celles du Jour de l’An.

Je vais vous expliquer, comment je vais chercher les informations.  Imaginez-vous une voiture. Cette même voiture transporte les images aux bons tiroirs dans mon cerveau. Quand j’aurai à nouveau besoin de ces images, la voiture n’aura qu’à retourner les chercher et à les rapporter à ma compréhension. (N’oubliez pas que je viens de vous expliquer de façon imagée!)

Lorsque j’étais jeune et que je n’avais pas compris ce qu’on m’expliquait parce qu’il n’y avait pas de visuel et qu’il y avait trop de mots, je pouvais seulement l’expliquer d’une manière imagée, comme par exemple: «Les images viennent de rentrer dans mes oreilles, et tout à coup, pouf!   Une grosse porte empêche les images de passer, mes oreilles sont bloquées.  Les images tourbillonnent dans les airs et tombent par terre. »  J’étais à ce moment-là trop jeune pour expliquer que je ne comprenais pas.

Je dois également vous raconter quelque chose… Lorsque j’étais un jeune enfant, je décrivais la photo de mon premier achigan que j’avais pêché de la manière suivante: « Je vois la bouche, l’œil, le corps, les nageoires, la queue et les écailles.  Quand la photo entre dans mon cerveau, je vois juste l’œil.  C’est comme si le reste de l’achigan est tout barbouillé. »  À ce moment-là, je voyais l’animal en morceaux d’une façon précise et détaillée. Un morceau à la fois. Également, avec mon appareil-photo jouet, je photographiais le visage des personnes par morceau : la bouche, le nez, l’œil, l’oreille, etc.  Je vous explique : je n’avais pas un problème de vision, c’était simplement une façon précise et détaillée de voir les choses.  Aujourd’hui, je vois l’ensemble des choses.

Manu explique : On appelle ceci « la cohérence centrale ». Être en mesure de voir l’ensemble et non seulement les détails. D’être en mesure de combiner ces détails pour former le tout. Ne pas voir seulement l’arbre devant nous, mais la forêt qu’il y a derrière cet arbre. Placez 4 personnes non-voyantes qui ne savent ce que c’est un éléphant et demandez-leur de toucher seulement la partie de l’animal devant elles. Elles auront chacune d’entre elles une définition différente de ce qu’est un éléphant et n’auront pas accès à la totalité de ce que l’animal représente vraiment. C’est un peu pareil pour plusieurs personnes autistes qui doivent apprendre qu’un éléphant n’est pas seulement une trompe, une défense, etc.

De plus, lorsque je voyais des grandes affiches à l’école, je disais encore une fois de façon imagée que «mes piles se déchargeaient». Aussitôt que j’avais des pictogrammes, je disais que «mes piles se rechargeaient.»   Je vous explique : je comprends mieux avec les pictogrammes car ceux-ci sont plus petits donc ils correspondent mieux à ma façon précise et détaillée de voir les choses.

Pour que je comprenne plus facilement ce que les autres personnes disaient, je ne les regardais pas dans les yeux. Je regardais plutôt leur bouche bouger. Cela faisait du sens pour moi. Par contre, aujourd’hui, je suis capable de regarder le visage de la personne.

Manu explique : Comme expliqué dans un des blogues précédents, la bouche est génératrice du son, elle a un sens et une fonction claire. Plusieurs autistes « regarderont » ainsi le son sortir du mouvement des lèvres. En plus, les yeux, les sourcils et le front ajoutent souvent des émotions aux mots prononcés. Les personnes présentant un TSA tenteront alors en plus de décortiquer le « second message » en se demandant « pourquoi le front est plissé ainsi, pourquoi les sourcils maintenant forment un « V », pourquoi y a-t-il une larme à cet œil, que dois-je comprendre? » Vous comprendrez qu’en se posant cette multitude de questions pour comprendre ce non-verbal, plusieurs d’entre eux auront été sourds à vos mots. Il est donc beaucoup plus simple de demander à une personne autiste de regarder vos lèvres… ou même le plancher si cette personne préfère. Du moment où vous savez qu’elle vous écoute, elle n’a nullement besoin de vous regarder.

L’ouïe

Pour moi, c’est le sens le plus difficile à gérer. Dans les fêtes que je trouve trop bruyantes, j’entends tous les moindres petits bruits : les personnes qui parlent et la musique (je la trouve généralement trop forte). Tous ces bruits peuvent sembler anodins pour une personne neurotypique, mais cela ne l’est pas pour une personne autiste comme moi car ils m’empêchent de bien fonctionner.  Jeune enfant, je portais très souvent des coquilles quand j’écoutais un spectacle à l’école et des bouchons lorsque j’allais dans une piscine intérieure.

Je vais d’ailleurs vous présenter mon échelle de bruits par catégorie; elle explique tous les bruits qui me dérangeaient lorsque j’étais petit (et ils me dérangent encore parfois).

Bruits moyens :

Les élèves qui écrivaient dans leurs cahiers dans ma classe.  (Oui! C’est bien vrai!  J’ai l’ouïe très développée, alors, j’entendais même cela!)

Le réfrigérateur

L’épicerie et les magasins.

Bruits élevés :

Les piscines intérieures, l’aréna, le gymnase, l’auditorium et la cafétéria. (Plus jeune, l’effet cacophonique de la cafétéria me dérangeait, maintenant, cela ne me dérange plus).

Les personnes qui parlent en même temps et certains tons de voix.

La tondeuse à gazon et les outils.

La mixette (mélangeur électrique), la hotte, le distributeur d’eau, le séchoir à cheveux et les séchoirs à mains.

Les mouches et les chiens qui jappent.

Une voiture ou un autobus qui démarre, les klaxons, la sirène des camions de pompiers, des ambulances et des voitures de police.

Les DVD en classe et la musique forte.

Le goût

Très jeune, la mastication des aliments pour moi a été très difficile. Pendant un an, je l’ai travaillé avec une éducatrice de la garderie qui décortiquait mon assiette avec moi.  Elle me demandait de lui dire quels aliments étaient mous et quels aliments je devais croquer.  Également, elle me montrait d’une façon visuelle avec une marionnette (M. Crocodile) ce que voulait dire croquer avec les dents du fond.

De plus, j’avais beaucoup de rigidités alimentaires et de défenses sensorielles dans ma bouche.  Donc, cela me limitait beaucoup dans mes repas.  J’avais de la difficulté avec certaines textures alimentaires dont les « fils » de fromage fondu et les « fils » de bœuf en cubes, les « graines » de muffins et les « graines » de gâteaux car je n’appréciais pas la sensation de ces desserts sur ma langue, je trouvais cela trop sec, les boissons pétillantes car la sensation que cela me faisait sur ma langue était beaucoup trop forte et le pétillant restait longtemps dans ma bouche.

Manu explique : Pour certains autistes qui sont hypersensibles, elles ressentent leurs aliments tout au long de son parcours dans le tube digestif. Imaginez donc un élément qui vous laissent l’impression d’une aiguille de cactus et que vous le sentiez d’abord sur votre langue, puis glissez dans votre gorge puis entamer son voyage dans votre tube digestif vous piquant chaque fois comme une aiguille de cactus pourrait le faire sur votre doigt. Gageons que vous ne supporteriez pas non plus cet aliment!

Aussi, je mange de façon compartimentée : si par exemple je mange de la viande, je ne touche pas aux patates avant d’avoir terminé ma viande. Même chose pour les légumes dans l’assiette. C’est d’ailleurs pour cela que j’utilise une assiette compartimentée à la maison.

Manu explique: Plusieurs éléments peuvent expliquer cette « rigidité ». Pour certains, un steak avec une patate, n’est plus l’image qu’ils ont de ce qu’est un steak. Pour d’autre, les 2 saveurs en même temps créeront beaucoup de « conflits » dans leur connaissance et reconnaissance de ce que c’est. Pour d’autres, manger 2 éléments en même temps enlèvera toute saveur aux 2 aliments, etc.

Le toucher

Voici quelques exemples : lorsque j’étais très jeune, je n’étais même pas capable de tolérer une boule de pâte à modeler dans ma main.  La sensation m’était insupportable!  Je n’étais pas capable non plus de faire de la peinture aux doigts.  Aujourd’hui, je tolère très bien la pâte à modeler et je tolère mieux la peinture aux doigts.

J’ai encore de la difficulté à donner la main dans des situations, comme par exemple dans un jeu en éducation physique.  C’est la température de la peau de la main (si elle est trop chaude, trop froide ou même trop tiède) qui me dérange énormément.

Manu explique : Pour plusieurs autistes et pour la plupart en début de parcours (et je ne parle pas d’âge ici), ils fonctionnent « un sens à la fois ». On ne s’en rend pas compte toujours, mais pour nous, neurotypiques que nous sommes, nous en utilisons plusieurs en même temps. Peut-être qu’en ce moment même vous me lisez en mangeant quelque chose, pendant que de la musique ou la télé est en trame de fond tout en caressant votre chat… Nous faisons cela quotidiennement sans aucun problème en oubliant un peu ce que nous faisons, en faisant abstraction du goût de ce nous grignotons, en n’écoutant pas nécessairement ce que l’on entend, etc. Un autiste doit souvent « connecter » ces sens un à la fois. Et souvent en « déconnecter » un pour en « connecter » un autre et ainsi passer d’un sens à l’autre. Mettre la main sur l’épaule d’un autiste en lui parlant peut-être extrêmement agressant pour lui. Cette main peut être un véritable « coup de couteau » et un frein à la compréhension qu’il aura de ce que vous avez à lui dire.

Je nomme souvent dans mes articles que j’ai besoin d’images et de visuel pour comprendre les mots.  Alors, dans le prochain article, je vous parlerai de la communication.

Je vous souhaite une belle journée et à la prochaine!

Thomas

Les 7 et non les 5 sens…

Complément d’informations de Manu : Thomas a parlé des 4 sens avec lesquels il a eu de la difficulté. Plusieurs autistes ont également l’odorat comme défi… ou au contraire hypersensible. Certains d’entre eux viendront blottir leur nez contre vous afin de bien vous reconnaître. Parlant de reconnaître… Thomas vous expliquait plus haut à quel point les images sont classées dans son cerveau, à quel point les repères visuels sont importants. Imaginez un instant à quel point il peut être difficile pour un autiste de voir son professeur un jour puis le revoir le lendemain sans ses lunettes, maintenant sans barbe et avec une nouvelle coupe de cheveux… ça peut être totalement déstabilisant pour un autiste qui aura pour plusieurs minutes à déconstruire une image de quelqu’un pour la remplacer par cette nouvelle image… et ce, dans tous les « classeurs » que ce professeur pouvait bien exister ».

Oui oui, vous aviez bien lu. On parle maintenant de 7 sens et non les 5 que nous connaissons depuis notre tout jeune âge. À l’odorat, à l’ouïe, au touche, au goût et à la vue, nous ajoutons maintenant la proprioception et le vestibulaire. Et ce sont justement 2 sens extrêmement importants et qui causent des défis à plusieurs autistes. Pour nous neurotypiques, ils sont innés. Pour les autistes, ces 2 sens doivent s’acquérir, se développer. Sans trop entrer dans les explications techniques et détaillées et afin de vulgariser au maximum, je dirais que la proprioception est la conscience du corps que nous avons. De comprendre que mes doigts sont la finalité de ma main qui elle est liée à mon bras attaché lui-même à mon épaule et que j’ai le contrôle de tout ceci. Ça représente donc un défi pour un autiste de comprendre cette enveloppe qu’est notre corps et le contrôle qu’il a sur cette enveloppe dans l’univers. Le vestibulaire contribue, lui, à la sensation du mouvement et joue un rôle dans l’équilibre. C’est une des raisons pourquoi le trampoline est un endroit privilégié pour un autiste. Ces 2 sens jouent également un grand rôle sur les raisons qui poussent souvent les jeunes autistes à marcher sur la pointe des pieds.

Les règles sociales et moi

Mon école de rêve

Bonjour!

Tel que mentionné dans le blogue précédent, je vais vous parler d’un de mes rêves en tant que personne autiste.Nous avons tous de grands rêves, que l’on soit différent ou non, et j’aimerais que celui-ci se réalise un jour pour moi et mes amis autistes. Le voici : L’école de mes rêves!

Je  vais vous expliquer ce qu’il y aurait dans cette école et pourquoi cela pourrait m’aider.

Lieux

Premièrement, dans les salles de classes, les murs seraient peinturés en mauve très pâle ainsi que les autres murs de l’école.  Je crois que ce serait une couleur bénéfique pour tous les élèves en termes de relaxation. De plus, les pupitres seraient remplacés par des postes de travail (tables) auxquels on pourrait travailler debout ou assis car j’ai parfois de la difficulté à rester assis. Il y aurait également des bancs à une patte : ce sont des bancs qui bougent beaucoup et qui ne possèdent qu’un seul pied.

Cela m’aide lorsque je ressens le besoin de bouger. Également, chaque élève aurait le même poste de travail pour toute l’année. Il n’y aurait pas de changements pour que l’élève vive moins d’anxiété. Par contre, si l’élève devait changer de poste de travail, l’enseignant le ferait en présence de l’élève pour que celui-ci puisse « scanner» le changement tel qu’expliqué dans le blogue précédent.  Il y aurait également une chaise berçante car beaucoup de personnes autistes adorent se bercer et cela peut en plus calmer l’anxiété.  Les néons seraient remplacés par des ampoules qui allument en blanc et qui n’agressent pas les yeux.  La lumière trop forte peut parfois agresser les yeux de certaines personnes autistes. Finalement, dans les fenêtres, il y aurait des rideaux d’une couleur foncée.

Une apaisante et reposante salle sensorielle serait disponible pour calmer les élèves.  Les murs de cet endroit calmant seraient peinturés en blanc afin de favoriser encore plus la détente. Voici quelques exemples d’objets sensoriels qui seraient dans cette salle : Il y aurait des coussins doux et confortables, des lumières colorées stables (qui ne clignotent pas), du sable lunaire, des balles anti-stress à manipuler, des peluches, des oreillers, des couvertures lourdes pour les élèves qui ne sentent pas leur corps et une petite tente pour calmer un élève en crise qui a besoin de se couper des sons. Cela va l’aider à retrouver le calme. Tous les après-midi, après les heures de classe, le service de garde ferait leurs activités dans cette salle sensorielle afin que les élèves se reposent de leur journée et ce, jusqu’à ce qu’il ferme en début de soirée.

La cafétéria serait paisible. Les personnes qui y seraient présentes devraient parler moins fort, un peu comme dans une bibliothèque. Il y a déjà à gérer le bruit de la vaisselle qui cogne ensemble, la caisse enregistreuse, toutes les odeurs de nourriture et toutes les personnes qui parlent ensemble.

Les gymnases seraient adaptés. Ils seraient plus petits, donc, il y aurait beaucoup moins d’écho et de bruits. Les murs réguliers seraient remplacés par des murs qui coupent le son. La pièce des vestiaires serait directement dans chaque gymnase et elle serait adaptée. Il y aurait des séquences visuelles pour aider les personnes autistes avec l’habillage et des aide-mémoires pour valider chaque étape de l’habillage.

Il y aurait aussi une piscine extérieure  parce qu’il y aurait moins d’écho et  l’eau me fait beaucoup de bien.  Les élèves pourraient l’utiliser comme loisir sur l’heure du midi ou, de temps à autre, des groupes pourraient la réserver et l’utiliser sur le temps de classe afin de pratiquer le schéma corporel (savoir où se situe son corps).  Les vestiaires seraient situés sur le bord de celle-ci et seraient adaptés tout comme dans les vestiaires pour l’éducation physique. Il y aurait également d’autres salles de bains dans ceux-ci afin d’éviter de retourner dans l’école.  Des pictogrammes indiqueraient ce qui est autorisé de faire et d’autres ce qui est interdit de faire dans cette piscine.

Dans les salles de bains, les toilettes seraient moins bruyantes et la chasse d’eau ne partirait pas automatiquement; plusieurs personnes autistes n’aiment pas le bruit et aiment quand ils peuvent contrôler la chasse d’eau.  Les séchoirs à mains seraient remplacés par des distributeurs de papier car cela ne fait pas de bruit.  Tous les lavabos auraient des robinets manuels étant donné le besoin de prévisibilité chez les personnes autistes.

L’auditorium serait moins grand pour éviter les surcharges auditives. De plus, les lumières seraient tamisées lors des spectacles et un chariot sur lequel seraient déposés des casques anti-bruits (coquilles) seraient disponibles en tout temps pour toutes les classes. Les élèves auraient le droit de sortir prendre des pauses quand ils trouveraient que la présentation est trop bruyante. Les présentations seraient de courte durée et ce serait généralement des pièces de théâtre.

Des pictogrammes seraient installés dans l’école afin de nous expliquer les lieux « publics», où tout le monde pourrait aller, comme les salles de bains, les gymnases, la cafétéria, l’ascenseur, la bibliothèque, l’auditorium, etc.

Adaptations classes

En début d’année scolaire, il y aurait une présentation pour chaque élève dans la classe pour que l’enseignant(e) et les élèves s’adaptent à la situation de chacun. Les personnes autistes n’ont pas toutes les mêmes difficultés et elles n’ont pas tous des problèmes sensoriels et certaines personnes ont besoin d’un animal d’assistance en classe.

L’enseignant(e) et l’éducatrice donneraient une photo d’elles à chaque élève.  Donc, l’élève pourrait mieux intégrer la personne qui s’occuperait de lui. Il pourrait non seulement enregistrer son visage, mais il pourrait aussi se mémoriser son ton de voix et son fonctionnement dans la classe avec les élèves.

Les élèves auraient des choix pour leurs cours intégrés à leur horaire, tels que : sciences, informatique, arts plastiques et musique. Nous pouvons exceller dans une matière, mais nous pouvons avoir de très grosses difficultés dans une autre. De plus, des cours de yoga seraient ajoutés à l’horaire de tous les élèves inscrits à cette école car c’est un exercice calmant.

De l’aide serait apportée aux élèves qui ont plus de difficultés dans une ou quelques matière(s) par une orthopédagogue. Il y aurait aussi une ergothérapeute et une orthophoniste pour tous ceux qui en ont besoin.

Chaque élève aurait droit à des paravents lors des examens, ceux-ci aideraient à la concentration et éviteraient les distractions autour de lui. Les élèves auraient également plus de temps et de visuel pour faire leurs examens car parfois la compréhension d’une consigne peut être plus longue chez la personne autiste, surtout si l’examen est évalué sur l’une de ses matières les plus difficiles.

Il y aurait très peu de travaux scolaires en équipes car une personne autiste dans un groupe doit gérer le bruit, le fonctionnement de l’activité en groupe, il doit apprendre à modifier ses plans selon les idées des autres et à ne pas être anxieux à cause de cela, etc. Alors, cela est plus difficile de réaliser la tâche demandée.

On apprendrait également les matières beaucoup plus par le tableau blanc interactif et par les ordinateurs que par papier-crayon. Je crois qu’une notion est intégrée plus facilement chez la personne autiste par l’informatique que par les cahiers et modules. Chaque élève aurait une tablette prêtée par l’école afin qu’il puisse apprendre à son rythme et de façon autonome.

Pour ce qui est des matières scolaires, les consignes seraient expliquées verbalement et écrites. Les consignes seraient claires parce que la précision des mots est très importante pour plusieurs personnes autistes, sinon ils ont de la difficulté à comprendre la consigne ou ils ne la comprennent pas du tout. Aussi, les double-sens et les expressions seraient expliqués par l’enseignant(e) ou l’éducatrice.

Chaque élève aurait un casier dans sa classe; celui-ci servirait à ranger son matériel de classe et  également à ranger ses vêtements extérieurs.  L’utilité de ce casier pour les vêtements serait, encore une fois, pour diminuer les surcharges de bruits à comparer au hall d’entrée et augmenter la concentration et l’efficacité de la personne sur son habillement.

À chaque fin de journée, l’enseignant(e) et l’éducatrice accompagneraient chaque élève dans son départ à la maison ou dans son transfert au service de garde.  Je trouve que les fins de journées sont un peu plus stressantes que les autres moments pour moi. L’enseignant(e) ou l’éducatrice s’assurerait que chaque élève n’ait rien oublié juste avant son départ (par exemple : les cahiers pour étudier, les messages à faire signer par les parents, etc.).  Aussi, la classe pourrait se terminer plus tôt pour ceux qui sont facilement fatigables.

Lors des récréations et des périodes libres, une personne autiste a de la difficulté à gérer ses sens; elle voit plusieurs personnes marcher, elle entend plein de gens parler, son sens du toucher va être plus sollicité, elle peut même manger, tout cela en même temps. Alors, les récréations et périodes libres se passeraient dans les classes respectives. Un « tableau de choix» serait présenté en grand groupe. Par exemple, la personne pourrait avoir le choix de : jouer sur sa tablette, lire un livre, colorier, écouter de la musique, faire un casse-tête, etc. C’est une façon visuelle de montrer à ces personnes qu’est-ce qu’elles peuvent faire pour s’occuper dans ces temps-là. Cet outil l’aiderait dans ses choix.

Pour que les parents des élèves comprennent mieux le comportement de leurs enfants lorsqu’ils arrivent de l’école, chaque élève aurait un carnet de communication.  Ils expliqueraient aux parents s’il s’est passé des événements anxiogènes, des situations problématiques ou tout simplement des réussites.

Il est important de savoir que si l’enseignant(e) devait s’absenter, l’éducatrice surveillerait et aiderait les élèves pendant que des capsules vidéo seraient présentées sur le tableau blanc interactif qui remplaceraient son enseignement. Dans ces capsules, ce serait l’enseignant(e) qui expliquerait les matières, et celles-ci seraient filmées à l’avance afin qu’elles puissent être visionnées par les  élèves quand l’enseignant(e) ne serait pas là. Une nouvelle personne, c’est beaucoup moins facile à gérer pour l’élève présentant un TSA (trouble du spectre de l’autisme). Il doit la connaître, s’habituer à son fonctionnement, à son ton de voix, prendre une photo de celle-ci dans sa tête et l’intégrer dans sa mémoire. Ce serait également le même enseignant d’années en années; ce serait plus prévisible pour les élèves et celui-ci connaîtrait déjà les élèves et leur fonctionnement.

Lorsque les classes écouteraient des films pour une activité ou une période récompense, les films réguliers d’une durée d’une heure et plus seraient remplacés par des mini films d’une durée de vingt ou de vingt-cinq minutes. Pour les neurotypiques, un film, c’est comme une récompense ou une relaxation. Pour moi, c’est comme si je travaillais.  Je dois gérer le volume, je dois essayer fort de comprendre pourquoi telles actions se passent dans telles scènes, je dois me demander pourquoi le personnage fait telle chose,… De plus, les élèves seraient préparés à l’avance quand il y aurait des activités spéciales afin d’éviter de créer l’effet surprise et que les élèves soient anxieux.

Lorsqu’il y aurait des sorties scolaires, les élèves seraient préparés bien à l’avance afin d’éviter qu’ils soient tous trop stressés.  Ce serait le même transport scolaire que le matin et le soir qui transporterait les élèves. Les sorties se passeraient généralement en extérieur, afin de diminuer l’impression d’être « collés et serrés» lors des sorties intérieures lorsqu’il y a trop de personnes et aussi pour diminuer le bruit. Il pourrait y avoir par exemple, en été,  des sorties au zoo, au parc, à la plage et en hiver, des sorties dans les sentiers, les centres de ski et les patinoires extérieures.

Il n’y aurait pas trop d’affiches sur les murs et les tableaux dans la classe car « trop de visuel» pour une personne autiste, c’est comme s’il n’y en avait pas assez; il doit avoir un juste équilibre dans le visuel. De plus, les élèves risqueraient d’être déconcentrés durant leurs apprentissages ou surchargés s’il y avait trop d’affiches.

Pour que les élèves comprennent mieux la notion du temps, il y aurait un « Time-Timer» dans chaque salle de classe. Je vous explique : un « Time-Timer », c’est une minuterie visuelle et sonore qui indique combien il reste de temps avant la fin d’une tâche ou d’une activité.

À chaque fois que la cloche sonnerait, les élèves auraient plus de temps pour ranger leur matériel, par exemple six ou sept minutes avant la fin du cours. Ces personnes en ont besoin de ce surplus de temps. Si la cloche était déjà sonnée et que les élèves seraient en train de ranger leur matériel, cela créerait de l’anxiété inutile et cela pourrait même empêcher les élèves de faire leur rangement correctement sous le stress, comme insérer une feuille dans un cahier à anneaux.

Lors des retours de vacances (par exemple, après Noël, la semaine de relâche et les vacances d’été), les apprentissages seraient moins demandants et seraient plus « mollos» car chez la personne qui présente un TSA,  réintégrer une certaine routine après un long congé est beaucoup plus long qu’une personne neurotypique. Cela ne prendra pas qu’une seule journée pour réintégrer la routine.

Le personnel de l’école respecterait le rythme de socialisation avec chacun car les personnes autistes ne sont pas toujours prêtes à le faire. Parfois cela leur crée du stress et ils se sentent mal à l’aise et parfois ils ne sont pas encore rendus à franchir cette étape.

Adaptations  dans les spécialités

En éducation physique, les consignes de chaque jeu seraient expliquées visuellement  avec des images sur un tableau pour nous aider à comprendre. Il  y aurait des sports individuels tels que : « dribbler» un ballon,  course, entraînement physique individuel qui remplaceraient les sports d’équipes. Pour moi, dans les jeux d’équipes, il y a trop de choses à gérer; la proximité des nombreuses personnes, les consignes du jeu, l’écho, la vitesse du jeu et savoir où me situer dans le gymnase.

En arts plastiques, l’enseignant(e) expliquerait les consignes visuellement. Lorsque les personnes neurotypiques utilisent trop de mots, les personnes présentant un TSA ont de la difficulté à gérer tous ces mots en même temps dans leur tête. Les projets seraient aussi moins demandants pour les élèves qui ont de la difficulté en motricité fine et il y aurait un peu moins d’étapes à réaliser, mais ceux-ci seraient tous aussi beaux!

La classe de musique serait adaptée. Il y aurait des instruments de musique tels que des xylophones, un piano, des violons, des triangles, des petits tambourins et des claviers.  Le son de chaque amplificateur serait également très bas lorsque l’on brancherait certains instruments à ceux-ci pour y jouer.

Adaptations anxiété

Pour calmer l’anxiété et les crises des élèves, une boîte avec des objets sensoriels serait disponible dans chaque classe. Il pourrait y avoir par exemple des objets à manipuler, des balles molles, des pâtes à textures différentes, des jouets lumineux, des élastiques pour étirer, etc. Je dois vous dire que les objets sensoriels sont nécessaires dans les classes pour élèves autistes.

Un élève anxieux aurait droit à une « pause de cerveau» dans un endroit calme dans l’école. Je vous explique : lorsque la personne autiste en a besoin, c’est lorsque ses sens sont trop sollicités à la fois et qu’elle est surchargée. Toutes les informations dans son cerveau éclatent, un peu comme du maïs soufflé dans un four micro-ondes. Je vous propose un petit exercice pour mieux comprendre la sollicitation des sens; faites jouer un CD de musique avec le volume très haut, sentez plein d’odeurs différentes en même temps, regarder quelqu’un courir très vite et touchez à des textures agressantes et ce, toutes en même temps.  Est-ce-que vous aimez cela?

Le transport scolaire pour se rendre à l’école et partir de l’école serait adapté. Les autobus et minibus seraient remplacés par des taxis car il y a beaucoup moins de passagers, il y a beaucoup moins de bruits et cela est plus facile à gérer pour les élèves autistes, surtout en fin de journée parce qu’ils sont plus susceptibles d’être fatigués.

Je suis conscient que cette école n’existe pas, qu’elle n’est qu’un rêve pour moi. Je peux vous dire que si cette école existait, je pourrais dire : « Maintenant, je serre l’école dans mes bras»!  Vous, chers lecteurs, quels sont vos plus grands rêves?

Dans le prochain article, je vous parlerai de «  comment mes sens fonctionnent ».

Merci encore une fois de m’avoir lu et je vous dis à la prochaine!

Thomas

 

Les imprévus et les changements

Les imprévus et les changements

Bonjour à tous!  Aujourd’hui, tel que mentionné dans mon deuxième article, je vous parle de ma façon d’agir face aux imprévus et aux changements. Bien sûr, chaque personne autiste a sa façon d’agir! Je vais vous expliquer comment j’ai vécu les changements par ordre chronologique jusqu’à aujourd’hui.

Lorsque j’étais un très jeune enfant,  si je portais un nouveau pyjama, je ne me reconnaissais plus. Je disais même que je ressemblais à quelqu’un d’autre. Mon cerveau disait aux fonctions de mon corps : « Remettez-moi le même pyjama que d’habitude, ça presse!».  Aussi, lorsqu’on allait faire nos achats et qu’il y avait un arrêt qui n’était pas prévu, je n’étais plus disponible pour continuer.  Également, si mon émission favorite était changée d’heure, je pouvais lire et relire le guide de télévision intensément pour mieux intégrer le changement.

Cela m’amène à parler de la prévisibilité. Quand j’étais un jeune enfant,  les solutions qui m’aidaient étaient d’utiliser des pictogrammes car je comprends beaucoup plus facilement par le visuel que par l’auditif.  De plus, un horaire visuel détaillé de ma journée m’aidait beaucoup à connaître les activités à l’avance.  Aussi, lorsqu’il y avait un changement dans l’horaire, il y avait un pictogramme «point d’interrogation» au moment où le changement allait survenir et on m’expliquait le changement avec du visuel.

Lorsque j’allais à l’école, je prenais l’autobus #308. Un matin, j’ai aperçu que c’était un nouvel autobus et qu’il n’avait pas de numéro. J’avais « les deux pieds dans la colle». Je vous explique : Je restais sur place et je ne voulais pas embarquer dans l’autobus. Cette nouvelle image ne correspondait pas à celle que j’avais dans ma mémoire. Cela créait un non-sens et me rendait anxieux.  Lorsque j’ai finalement réussi à y entrer, j’ai remarqué que  les sièges étaient plus hauts. J’ai pris du temps à m’asseoir car ce n’était pas comme à l’habitude. Un autre non-sens dans mon cerveau. Finalement, j’ai réussi à faire le trajet. Par contre, après l’école, quand je suis revenu à la maison, j’étais à 10 sur 10 sur mon thermomètre de la colère. Je ne comprenais pas pourquoi l’autobus du matin était différent! Je dois vous préciser que je me repérais beaucoup par les numéros des autobus scolaires et par les numéros de portes des locaux dans l’école (c’est toujours comme ça pour moi aujourd’hui). Aussi, lorsque l’on faisait un trajet différent avec des détours pour aller à l’école, le soir à la maison, je vivais les mêmes sentiments de colère car je ne comprenais pas pourquoi ces détours avaient été faits et pourquoi ce trajet différent devait-il avoir lieu.

Autre situation, lorsque je revenais de l’école et qu’il y avait un nouveau cadre dans la maison tel que ma photo scolaire, je le remarquais tout de suite, et cela me rendait anxieux. Ce qui m’aide lorsqu’il y a un changement physique dans un lieu c’est de m’en avertir à l’avance et de le faire en ma présence.  Cela peut être même pour un changement positif  comme  les décorations pour les fêtes de l’année (c’est un intérêt pour moi).

Ce qui m’aidait à l’école pour les changements d’horaire ou de personnel, c’était que l’on m’avertisse à l’avance par écrit. Par contre, je ne devais pas voir trop de feuilles de changements à la fois sur mon pupitre car je devenais aussi anxieux.  Pourquoi une feuille? Parce qu’une feuille, ça ne change pas. Tu n’as pas à gérer le visage, le ton de la voix, les expressions faciales, les émotions de l’autre, etc. Tandis qu’une personne, tu as tous ces éléments à gérer.

Manu explique: « Thomas comme plusieurs personnes ayant un TSA maîtrise difficilement la « Théorie de l’esprit ». Plus clairement, cette théorie nous permet de décoder les intentions et les émotions des autres et même de réussir à nous mettre à leur place. La théorie de l’esprit est entre autre responsable de l’empathie. C’est pour cette raison que plusieurs racontent (à tort!) que les autistes n’ont pas ou peu d’empathie. Ils ont de la difficulté à saisir les émotions des autres. Puisque le visage transmet énormément de ce type d’informations, il est donc souvent très difficile pour un autiste de regarder dans les yeux… et on ne devrait pas les obliger à le faire d’ailleurs. Les yeux, les sourcils et le front sont les éléments du visage qui transmettent le plus de ces informations. Surtout en bas âge, demandez-leur de regarder la bouche à la limite… celle-ci a beaucoup plus de valeur. Elle concrétise le son. »

Le soir à la maison, j’intégrais toutes les informations en reproduisant toute la scène vécue dans ma journée avec mes autobus et mon école jouet. Je devais également répéter plusieurs fois les mêmes mots (écholalie) avant d’être capable de faire une autre action. L’imprévisibilité étant difficile à gérer pour une personne autiste, c’était difficile de me ramener après avoir su qu’il y avait un changement anxiogène qui approchait!

L’écholalie selon Manu : « Tous les enfants apprennent et développent leur langage avec l’écholalie. Pensez notamment à aux premiers « papa » ou « maman » qui sont répétés par les enfants à plusieurs reprises et encouragés par les parents. Chez les personnes autistes, l’écholalie a aussi une autre fonction : celle de traitement de l’information. Il n’est donc pas rare qu’une personne TSA répète le même mot ou la même phrase afin de les aider à trouver une solution ou pour intégrer une nouvelle information. Si je reviens à mon exemple de disque dur et d’ordinateur du blogue précédent, imaginez le petit cercle qui tourne pendant que vous ouvrer un fichier ou un programme… Et, entre vous et moi, on le fait aussi tous. Réfléchissez à toutes les fois où pour réfléchir à une question qui vous est posée, vous vous la répétez à voix haute ou dans votre tête? »

Voici d’autres exemples vécus sur l’heure du dîner à l’école qui peuvent vous paraître banals mais pour moi étaient très difficiles à gérer.  Par exemple, dans la cafétéria, je m’étais aperçu que les tables avaient été reculées; ma principale préoccupation était de savoir si je pouvais quand-même manger à côté de mon amie. Un autre midi, je m’étais aperçu qu’une  nouvelle affiche avait été ajoutée pour le respect des règles; cela venait me déranger car ce n’était pas comme à l’habitude et un autre midi, j’ai changé de groupe et de responsable; cela m’a rendu aussi très nerveux.  C’était tous de gros changements pour moi!  Le jour, à l’école, je pouvais me contenir, mais lorsque j’arrivais à la maison, j’explosais comme un volcan à cause des changements.

J’avais également de la difficulté à reconnaître une personne si elle avait un changement physique sur elle (par exemple le changement de coiffure, le port d’une casquette,…). Je dois vous dire que lorsque je vois une personne une première fois, je la photographie avec mes yeux et je conserve l’image dans mon cerveau. Alors, si la personne a un petit changement physique sur elle, je ne la reconnais plus, car ce n’est pas l’image que j’ai d’elle. (Aujourd’hui, j’ai encore cette difficulté).  Également, je ne comprenais pas que je pouvais voir une personne que je connaissais dans un autre lieu que d’habitude comme par exemple : le personnel de l’école à l’épicerie car l’image de cette personne dans ma tête était : «  je vois habituellement  cette personne à l’école et non à l’épicerie ».  Cela ne fonctionnait pas pour moi!  (Aujourd’hui, je n’ai plus ce problème-là!)

L’outil « Avant / Maintenant » (qui est visuel) m’aidait beaucoup à comprendre les transitions, par exemple :

L’outil « Maintenant / Après » m’aidait également beaucoup:

Maintenant que je suis adolescent, lorsque je vis des changements (qu’ils soient positifs ou négatifs), j’intègre la nouvelle information par l’écriture. Je peux écrire beaucoup le soir, après avoir vécu le changement, et ce, intensément. Je peux même encore répéter des mots en lien avec le changement, car je fais encore un peu d’écholalie et cela m’aide encore plus à intégrer le changement.

Ce qui m’aide encore quand je vis un changement important (comme un changement d’école ou de classe), c’est de « scanner» les lieux. Je vous explique : « scanner» les lieux pour moi, c’est prendre des photos avec mes yeux du lieu et de toutes les petites choses que je trouve importantes de garder en mémoire (par exemple : mon pupitre, le tableau blanc interactif, les fenêtres, les toiles, les ordinateurs, le bureau de l’enseignante, la couleur des murs, la couleur et les motifs du plancher,…). Je dois également rencontrer à l’avance le nouveau professeur et la nouvelle éducatrice pour que je conserve leur image dans mon cerveau.

Je dois vous dire une chose; même si je sais lire et même si je comprends les mots, lorsqu’on m’explique quelque chose sous forme de visuel (dessins, pictogrammes, séquences), je comprends encore mieux! Le visuel restera toujours un très bon outil pour moi qui fonctionnera toujours.

Pour moi, le plus difficile de tous les imprévus sont les pannes et petites interruptions d’électricité  car ceux-ci sont imprévisibles; tous les appareils  s’arrêtent en même temps, toutes les lumières se ferment en même temps et de plus, cela peut arriver à n’importe quel moment dans la journée! Alors à ce moment-là, j’essaie de m’occuper du mieux que je peux, mais cet imprévu n’est vraiment pas facile pour moi.

Aujourd’hui, je gère mieux les changements que lorsque j’étais plus jeune mais cela reste toujours un défi pour moi étant donné que l’imprévisibilité existe encore et que l’on ne peut pas la contrôler.

Permettez-moi de vous donner une suggestion pour les changements : si une personne neurotypique ne peut pas annoncer un changement à une personne autiste (par exemple parce qu’elle ne savait pas qu’il allait arriver un changement), la personne neurotypique doit laisser le temps à la personne autiste d’intégrer la nouvelle information et elle devra également comprendre que la personne autiste pourra être anxieuse et fatiguée car il y aura à ce moment-là beaucoup de choses à gérer pour elle.

L’explication de Manu : « Laissez-lui le temps!! Ne surchargez pas son cerveau de 1001 explications ou informations à ce moment. Bien que vous serez bien intentionné, cette surcharge d’informations augmentera le délai de traitement de l’information et possiblement aussi l’anxiété que cet imprévu aura créé. On ne peut prévoir l’imprévisible alors n’ajoutez pas plus d’éléments à traiter Dernier petit conseil pour le moment : Diminuez aussi le « flux sensoriel », ça aidera! Plusieurs autistes « fonctionnent un sens à la fois »… Plus il y en aura d’impliqué, plus la charge sera difficile à gérer et plus long le traitement de l’information sera. »

Lorsqu’il y a un changement, la personne autiste ne peut plus faire ce qu’elle a à faire contrairement à la personne neurotypique qui pourra quand-même car la différence d’intégration de l’information se fait plus lentement chez la personne autiste et les informations de celle-ci sont classées par groupes d’images. Aussi, lorsqu’il y a un changement de personnel, même si la nouvelle personne est très douce et très gentille et qu’on la présente à la personne autiste, cela reste quand-même un changement à gérer et cela va prendre un certain temps à la personne autiste avant que le tout soit intégré.

J’espère que ce troisième article vous en a appris un peu plus sur comment je gère les changements. Dans le prochain article, je vous parlerai de l’un de mes rêves en tant que personne autiste. Je vous souhaite une excellente journée et je vous remercie énormément de me lire!  À la prochaine!

Thomas

Les règles sociales et moi

Mon été à la Colonie

Août 2019

Mon été à la Colonie

 

Bonjour à vous tous!

Aujourd’hui, vous allez découvrir un endroit que j’aime vraiment beaucoup; La Colonie.
C’est un camp d’été adapté où j’adore aller depuis quelques années. Quand tu passes ton
été au camp de la Colonie, c’est comme si tu partais en voyage… Tu sors de l’ordinaire,
tu pars à l’aventure! Laissez-vous plonger dans cet univers magique et fantastique et ce,
tout au long de votre lecture.

Si vous saviez comme c’est merveilleux la Colonie. Là-bas, un sens fonctionne à la
fois… Je vais vous expliquer comment fonctionnent mes sens avec un exemple que je
disais quand j’étais plus jeune, à propos des gymnases : « Dans un gymnase, c’est
comme si mes oreilles s’endorment et que mes yeux disparaissent. Mon cerveau dit
que ça ne fonctionne pas. » Je le disais car il y avait trop de personnes, trop de stimuli à
la fois et l’écho me dérange. De plus, ce qu’une personne neurotypique entend, pour moi,
c’est beaucoup plus fort. Aujourd’hui, je tolère mieux les gymnases mais je reste sensible
aux bruits. 

Revenons à la Colonie. Si je vous décrivais d’abord les lieux. Que diriez-vous de voir la
rivière apaisante et reposante avec une table à pique-nique située dans la forêt? Vous
seriez probablement déjà reposés juste en y entrant. Et que dire de la salle sensorielle? 
Elle est reposante avec ses coussins confortables, la lumière colorée qui projette sur les
murs et l’aquarium lumineux.  La pièce est sombre mais par contre, il y a des lumières
douces.  Je trouve cet effet très beau et calmant. Ceci me fait penser aux objets sensoriels
qui me font du bien dans ma vie, que j’ai déjà utilisés beaucoup dans le passé, comme les
colliers mâchouilles, les balles antistress,  les mâchouilles de crayons, la veste à pression,
les coquilles contre le bruit et une bouteille sensorielle que j’ai moi-même fabriquée à la
Colonie…  Ils m’ont tous fait du bien, mais maintenant je les utilise uniquement lorsque
je suis anxieux.  Dans la salle sensorielle de la Colonie, si j’avais un « calmomètre »,
l’aiguille serait dans le vert. Je vous explique : un « calmomètre » est un outil visuel avec
3 parties : vert avec un bonhomme sourire, jaune avec un bonhomme neutre et rouge avec
un bonhomme triste. Et selon notre état de calme, on place l’aiguille dans la bonne
couleur.

L’aire de jeux est superbe, la piscine est géniale;  il y a même des jeux et accessoires
d’eau… J’y vais très souvent surtout lorsqu’il fait chaud!

Les activités que j’aime y faire sont : chasser  des grenouilles et des papillons, me
balancer, faire du vélo, sauter dans le trampoline, cuisiner et faire des activités de groupe,
tels que : les ballons d’eau, l’atelier sur les cinq sens et les journées thématiques.

Je me sens très bien quand je vais à la Colonie. C’est du bien-être pur, c’est un endroit
pour se recentrer.  Je suis très heureux d’y être et je voudrais que ça dure plus longtemps
qu’un été car je trouve ça trop court.

Il n’y a pas que les lieux que j’apprécie, mais aussi les participants(es) et les
intervenants(es)! Chaque participant possède de grandes qualités et ils sont gentils,

attachants et ne jugent personne.   Les intervenants(es) de l’AIS, quant à eux, ont les
qualités suivantes : ils sont professionnels, ils ont la capacité de s’adapter à chaque
participant et ils sont créatifs!

Avec mon autisme, chaque petite modification apportée  à la Colonie ou ailleurs, comme
par exemple un nouvel intervenant, un nouvel objet ou une nouvelle activité prendra un
certain temps à intégrer dans ma mémoire photographique.  Ma façon de traiter
l’information est différente des non-autistes. « Ma mémoire voit une nouvelle chose ou
une nouvelle personne, la prend en photo et l’envoie dans mon cerveau pour toujours afin
de créer une nouvelle information dans ma mémoire.   Je compare ça à des tiroirs.
Plusieurs images sont classées dans ces tiroirs selon leur catégorie, et après on peut y
avoir accès à n’importe-quel moment.   La prochaine fois que je la reverrai, l’information
sera déjà existante dans mon tiroir et il me suffira d’aller la rechercher, je serai donc
moins anxieux.

Manu, le directeur de l’AIS (celui qui me donne cette merveilleuse chance de faire ce
blogue) vous le traduirait de la façon neurotypique suivante:

« Vous pourriez comparer ça à un ordinateur. Plusieurs dossiers et fichiers sont classés
sur le disque dur et après on peut y avoir accès en quelques clics. Dans le cerveau de
Thomas, il existe plusieurs dossiers.  Ainsi, il peut s’y référer au besoin quand il arrive
dans un lieu.   Une fois l’information traitée, il aura compris la modification. Ça ne se fait
pas automatiquement pour lui.  Il doit faire ce processus par lui-même, dans son cerveau.
C’est comme conduire une voiture manuelle. Tu dois changer les vitesses toi-même
comparativement à une voiture automatique dans laquelle tout se fait simplement. Il doit
piloter son corps. »

J’espère que ce 2e blogue vous a fait apprendre plus de choses sur mon camp d’été adapté
et sur moi.

Bien sûr, comme dans le premier article, j’ai expliqué mon autisme mais je vous rappelle
que chaque personne autiste est différente. Il y a autant d’autismes que d’autistes disent
les spécialistes.

Dans le prochain blogue, je vous parlerai de ma façon d’agir face aux imprévus et aux
changements.

Je vous souhaite une belle et reposante journée et merci beaucoup de m’avoir lu!

Bye et à la prochaine!

Thomas