La communication
Bonjour à tous, chers lecteurs et chères lectrices!
Pour ce sixième article, je vous parlerai de la communication. Vous découvrirez comment je communique avec les gens, mon parcours verbal depuis mon plus jeune âge, etc. Alors, il ne me reste plus qu’à vous dire de vous plonger dans votre lecture!
Je disais quelques mots entre un et trois ans. J’ai toutefois commencé à parler à l’âge de trois ans et demi et je faisais beaucoup d’écholalie. Effectivement, j’ai commencé à parler plus tard que les autres mais dans ma petite enfance (entre un et deux ans), je n’étais pas encore rendu à parler. Je crois que cet apprentissage est arrivé un peu plus tard chez moi dû à mon autisme. Par contre, je peux vous dire qu’aujourd’hui, je suis un vrai moulin à paroles! Je n’arrête pas de parler durant le jour, et ce, du matin jusqu’au soir! Parfois, cela en est drôle J
Manu : L’écholalie, bien que beaucoup présente chez les autistes notamment pour «traiter de l’information», est une étape normale de l’acquisition de la parole chez tous les enfants, qu’ils soient ou non autistes. C’est par l’écholalie que l’apprentissage de la parole se fait. C’est en répétant ce que les autres disent, c’est en tentant de reproduire les « ma-man » que les bébés apprennent à dire leur premier « maman »!
La communication c’est une action qui est un peu plus difficile pour moi. Il y a une différence entre parler et communiquer. Pour moi, parler, c’est raconter aux autres mes intérêts, mes anecdotes, etc. Alors que pour moi, communiquer c’est s’informer de l’autre personne et c’est de la comprendre.
Très jeune, il y a des choses drôles que j’ai dites aux gens. Voici un exemple : Je voulais participer à un tirage et la personne m’a demandé si je voulais participer au « concours ». Je lui ai demandé : « Est-ce que c’est comme quand « qu’on court » ? » Je connaissais déjà le mot tirage mais je ne connaissais pas le mot concours, alors l’image qui m’est venue en tête était celle qui correspondait au son « qu’on court » du verbe courir et qui n’a aucun lien avec le mot tirage.
Très jeune enfant, j’ai entendu des « expressions» de la vie et je me demandais si elles correspondaient à ma compréhension de personne autiste. Je vous explique : j’ai déjà entendu, par exemple :
Des « moyens de transports ». J’ai alors demandé s’il existait des « petits ou des grands de transports ».
Puisque l’on pouvait avoir les « yeux larmoyants », j’ai demandé si nous pouvions avoir les yeux « larpetits » et les yeux « largrands ».
Je pensais également que puisqu’il existait des « artichauts », qu’il existait forcément des «artifroids ».
Comme on pouvait réaliser des « mises à jour » sur l’ordinateur, j’étais sûr que l’on pouvait réaliser aussi des « mises à soir ».
On m’avait félicité pour avoir tracé une belle ligne droite et j’ai répondu : « oui, pas une belle ligne gauche!»
Alors que j’aidais à emballer un cadeau de Noël, on m’avait dit de mettre un « chou » sur le cadeau. Je suis alors allé chercher un « chou » dans mon tiroir de jouets de nourriture en plastique!
Aujourd’hui, je trouve toutes ces anecdotes très drôles!
Il y a aussi certaines expressions et certains proverbes que les personnes neurotypiques disent qui sont tellement imagés que cela me fait bien rire. Par exemple : « Il ne faut jamais dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau » et « Petit train va loin ». J Je trouve cela très drôle aujourd’hui car je les comprends mieux. (Quand je les ai entendus la première fois, je ne les comprenais pas).
Nous pouvons utiliser un mot dans la vie de tous les jours (exemple : opération), et celui-ci peut avoir plusieurs significations. Jeune, le mot « opération » voulait dire pour moi : une intervention chirurgicale. Lorsque j’apprenais les mathématiques et que l’on me disait le mot « opération », cela ne faisait aucun sens pour moi, parce que je m’imaginais un chirurgien en train d’opérer! Donc, comme il y avait plusieurs mots du quotidien que l’on retrouve en mathématiques et que je ne comprenais pas, un lexique mathématique m’aidait à les comprendre. Ce lexique m’expliquait ce que le mot voulait dire dans la notion des maths.
J’ai alors appris que « opération » voulait dire: faire un calcul.
« Sommets » voulait dire les bouts pointus d’une forme géométrique.
« Croissants » signifiait du plus petit au plus grand.
« Tables » signifiait les tables d’additions, de soustractions, de multiplications et de divisions.
Si je n’avais pas eu ce lexique, j’aurais continué de comprendre que :
« Sommets » voulait dire le haut d’une colline.
« Croissants » signifiait la pâtisserie.
« Tables » signifiait une table avec des chaises.
Les mots ayant plusieurs significations n’étaient pas juste un problème en mathématiques pour moi, dans d’autres concepts aussi. Il fallait tout simplement m’expliquer « visuellement » les autres significations du mot et je comprenais.
Manu: Il faut donc faire attention et bien choisir ses mots et valider la compréhension des expressions qu’on utilise. Thomas, comme plusieurs personnes autistes, prend le sens au pied de la lettre. Vous pouvez donc créer beaucoup d’incompréhensions et d’images contradictoires.
Je pense par groupes d’images. Toutes les catégories d’images que je connais sont alors classées dans des classeurs dans mon cerveau, tel qu’expliqué dans l’article précédent. Lorsque j’entends un mot pour la première fois, je l’enregistre dans mon cerveau. Alors, si celui-ci est réutilisé dans un autre contexte, cela ne fait pas de sens pour moi. Dans ces moments-là, il faut m’expliquer visuellement la deuxième signification du mot pour que je l’enregistre dans ma mémoire.
Pour vous les personnes neurotypiques, cela peut vous paraître drôle, mais pour nous les personnes autistes, c’est de l’incompréhension. C’est alors pour cela que lorsque je parle avec quelqu’un, et que cette personne dit un mot dans une catégorie d’images que je connais, je m’arrête quelques secondes et je prends le temps d’aller chercher ce groupe d’images pour l’emporter jusqu’à ma compréhension.
Également, les personnes neurotypiques disent beaucoup d’expressions et de proverbes dans une journée; cela est difficile pour les personnes autistes de tous les comprendre. Pour vous, c’est drôle lorsque nous prenons au pied de la lettre une expression que vous dites, mais pour nous, les gens autistes, c’est de l’incompréhension. On pense que c’est la réelle signification de l’expression et on ne comprend pas. C’est important d’expliquer les proverbes et expressions aux personnes autistes afin qu’elles les comprennent.
Il est beaucoup plus facile d’exprimer son incompréhension et sa difficulté à communiquer lorsque la personne autiste est verbale. Maintenant, pensez aux personnes autistes qui sont non-verbales… Elles ne peuvent pas l’exprimer ce qu’elles ne comprennent pas! Elles ne peuvent pas parler non plus! C’est alors bien important autant pour les personnes verbales que non-verbales d’utiliser du visuel pour leur compréhension.
Le langage non-verbal fait également partie de la communication. Même encore aujourd’hui, il est toujours difficile pour moi. J’ai de la difficulté à décoder l’expression faciale d’une personne (tristesse, colère, peur, surprise, inquiétude, etc.). J’ai également cette difficulté dans les films; l’acteur peut être déçu, content, furieux, ou encore inquiet, mais je ne comprends pas pourquoi il a cette émotion car les situations de films sont généralement abstraites pour moi. Alors, en tant que personne autiste, j’ai de la difficulté à comprendre ce qui est abstrait. Même les situations de la vie (bonnes nouvelles, mauvaises nouvelles, blagues racontées, etc.) m’empêchent parfois de décoder la bonne expression faciale de l’autre personne.
Manu : Et c’est d’ailleurs pour cette raison que plusieurs croient à tort que les autistes n’ont pas d’empathie. Décoder les émotions des autres leur est difficile voire impossible pour certains. Alors comment peut-on éprouver de l’empathie et vouloir se mettre dans la peau de l’autre quand on ne sait pas ce qu’il ressent, quand on n’arrive à le décoder et même le comprendre? Vous admettrez que c’est extrêmement difficile. Au final, peut-être que leur empathie est plus grande que la nôtre puisque constamment ils analysent pour tenter de décoder notre visage? Vous comprendrez donc que tout cela peut devenir très irritant et fatigant pour une personne autiste de toujours avoir un cerveau en ébullition pour comprendre et analyser.
J’espère que votre lecture d’aujourd’hui vous a appris plus de choses sur ma communication avec les autres personnes. Dans le prochain article, je vous parlerai des règles sociales.
Merci de m’avoir lu!
À la prochaine!
Thomas
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