Mon école de rêve

Mon école de rêve

Bonjour!

Tel que mentionné dans le blogue précédent, je vais vous parler d’un de mes rêves en tant que personne autiste.Nous avons tous de grands rêves, que l’on soit différent ou non, et j’aimerais que celui-ci se réalise un jour pour moi et mes amis autistes. Le voici : L’école de mes rêves!

Je  vais vous expliquer ce qu’il y aurait dans cette école et pourquoi cela pourrait m’aider.

Lieux

Premièrement, dans les salles de classes, les murs seraient peinturés en mauve très pâle ainsi que les autres murs de l’école.  Je crois que ce serait une couleur bénéfique pour tous les élèves en termes de relaxation. De plus, les pupitres seraient remplacés par des postes de travail (tables) auxquels on pourrait travailler debout ou assis car j’ai parfois de la difficulté à rester assis. Il y aurait également des bancs à une patte : ce sont des bancs qui bougent beaucoup et qui ne possèdent qu’un seul pied.

Cela m’aide lorsque je ressens le besoin de bouger. Également, chaque élève aurait le même poste de travail pour toute l’année. Il n’y aurait pas de changements pour que l’élève vive moins d’anxiété. Par contre, si l’élève devait changer de poste de travail, l’enseignant le ferait en présence de l’élève pour que celui-ci puisse « scanner» le changement tel qu’expliqué dans le blogue précédent.  Il y aurait également une chaise berçante car beaucoup de personnes autistes adorent se bercer et cela peut en plus calmer l’anxiété.  Les néons seraient remplacés par des ampoules qui allument en blanc et qui n’agressent pas les yeux.  La lumière trop forte peut parfois agresser les yeux de certaines personnes autistes. Finalement, dans les fenêtres, il y aurait des rideaux d’une couleur foncée.

Une apaisante et reposante salle sensorielle serait disponible pour calmer les élèves.  Les murs de cet endroit calmant seraient peinturés en blanc afin de favoriser encore plus la détente. Voici quelques exemples d’objets sensoriels qui seraient dans cette salle : Il y aurait des coussins doux et confortables, des lumières colorées stables (qui ne clignotent pas), du sable lunaire, des balles anti-stress à manipuler, des peluches, des oreillers, des couvertures lourdes pour les élèves qui ne sentent pas leur corps et une petite tente pour calmer un élève en crise qui a besoin de se couper des sons. Cela va l’aider à retrouver le calme. Tous les après-midi, après les heures de classe, le service de garde ferait leurs activités dans cette salle sensorielle afin que les élèves se reposent de leur journée et ce, jusqu’à ce qu’il ferme en début de soirée.

La cafétéria serait paisible. Les personnes qui y seraient présentes devraient parler moins fort, un peu comme dans une bibliothèque. Il y a déjà à gérer le bruit de la vaisselle qui cogne ensemble, la caisse enregistreuse, toutes les odeurs de nourriture et toutes les personnes qui parlent ensemble.

Les gymnases seraient adaptés. Ils seraient plus petits, donc, il y aurait beaucoup moins d’écho et de bruits. Les murs réguliers seraient remplacés par des murs qui coupent le son. La pièce des vestiaires serait directement dans chaque gymnase et elle serait adaptée. Il y aurait des séquences visuelles pour aider les personnes autistes avec l’habillage et des aide-mémoires pour valider chaque étape de l’habillage.

Il y aurait aussi une piscine extérieure  parce qu’il y aurait moins d’écho et  l’eau me fait beaucoup de bien.  Les élèves pourraient l’utiliser comme loisir sur l’heure du midi ou, de temps à autre, des groupes pourraient la réserver et l’utiliser sur le temps de classe afin de pratiquer le schéma corporel (savoir où se situe son corps).  Les vestiaires seraient situés sur le bord de celle-ci et seraient adaptés tout comme dans les vestiaires pour l’éducation physique. Il y aurait également d’autres salles de bains dans ceux-ci afin d’éviter de retourner dans l’école.  Des pictogrammes indiqueraient ce qui est autorisé de faire et d’autres ce qui est interdit de faire dans cette piscine.

Dans les salles de bains, les toilettes seraient moins bruyantes et la chasse d’eau ne partirait pas automatiquement; plusieurs personnes autistes n’aiment pas le bruit et aiment quand ils peuvent contrôler la chasse d’eau.  Les séchoirs à mains seraient remplacés par des distributeurs de papier car cela ne fait pas de bruit.  Tous les lavabos auraient des robinets manuels étant donné le besoin de prévisibilité chez les personnes autistes.

L’auditorium serait moins grand pour éviter les surcharges auditives. De plus, les lumières seraient tamisées lors des spectacles et un chariot sur lequel seraient déposés des casques anti-bruits (coquilles) seraient disponibles en tout temps pour toutes les classes. Les élèves auraient le droit de sortir prendre des pauses quand ils trouveraient que la présentation est trop bruyante. Les présentations seraient de courte durée et ce serait généralement des pièces de théâtre.

Des pictogrammes seraient installés dans l’école afin de nous expliquer les lieux « publics», où tout le monde pourrait aller, comme les salles de bains, les gymnases, la cafétéria, l’ascenseur, la bibliothèque, l’auditorium, etc.

Adaptations classes

En début d’année scolaire, il y aurait une présentation pour chaque élève dans la classe pour que l’enseignant(e) et les élèves s’adaptent à la situation de chacun. Les personnes autistes n’ont pas toutes les mêmes difficultés et elles n’ont pas tous des problèmes sensoriels et certaines personnes ont besoin d’un animal d’assistance en classe.

L’enseignant(e) et l’éducatrice donneraient une photo d’elles à chaque élève.  Donc, l’élève pourrait mieux intégrer la personne qui s’occuperait de lui. Il pourrait non seulement enregistrer son visage, mais il pourrait aussi se mémoriser son ton de voix et son fonctionnement dans la classe avec les élèves.

Les élèves auraient des choix pour leurs cours intégrés à leur horaire, tels que : sciences, informatique, arts plastiques et musique. Nous pouvons exceller dans une matière, mais nous pouvons avoir de très grosses difficultés dans une autre. De plus, des cours de yoga seraient ajoutés à l’horaire de tous les élèves inscrits à cette école car c’est un exercice calmant.

De l’aide serait apportée aux élèves qui ont plus de difficultés dans une ou quelques matière(s) par une orthopédagogue. Il y aurait aussi une ergothérapeute et une orthophoniste pour tous ceux qui en ont besoin.

Chaque élève aurait droit à des paravents lors des examens, ceux-ci aideraient à la concentration et éviteraient les distractions autour de lui. Les élèves auraient également plus de temps et de visuel pour faire leurs examens car parfois la compréhension d’une consigne peut être plus longue chez la personne autiste, surtout si l’examen est évalué sur l’une de ses matières les plus difficiles.

Il y aurait très peu de travaux scolaires en équipes car une personne autiste dans un groupe doit gérer le bruit, le fonctionnement de l’activité en groupe, il doit apprendre à modifier ses plans selon les idées des autres et à ne pas être anxieux à cause de cela, etc. Alors, cela est plus difficile de réaliser la tâche demandée.

On apprendrait également les matières beaucoup plus par le tableau blanc interactif et par les ordinateurs que par papier-crayon. Je crois qu’une notion est intégrée plus facilement chez la personne autiste par l’informatique que par les cahiers et modules. Chaque élève aurait une tablette prêtée par l’école afin qu’il puisse apprendre à son rythme et de façon autonome.

Pour ce qui est des matières scolaires, les consignes seraient expliquées verbalement et écrites. Les consignes seraient claires parce que la précision des mots est très importante pour plusieurs personnes autistes, sinon ils ont de la difficulté à comprendre la consigne ou ils ne la comprennent pas du tout. Aussi, les double-sens et les expressions seraient expliqués par l’enseignant(e) ou l’éducatrice.

Chaque élève aurait un casier dans sa classe; celui-ci servirait à ranger son matériel de classe et  également à ranger ses vêtements extérieurs.  L’utilité de ce casier pour les vêtements serait, encore une fois, pour diminuer les surcharges de bruits à comparer au hall d’entrée et augmenter la concentration et l’efficacité de la personne sur son habillement.

À chaque fin de journée, l’enseignant(e) et l’éducatrice accompagneraient chaque élève dans son départ à la maison ou dans son transfert au service de garde.  Je trouve que les fins de journées sont un peu plus stressantes que les autres moments pour moi. L’enseignant(e) ou l’éducatrice s’assurerait que chaque élève n’ait rien oublié juste avant son départ (par exemple : les cahiers pour étudier, les messages à faire signer par les parents, etc.).  Aussi, la classe pourrait se terminer plus tôt pour ceux qui sont facilement fatigables.

Lors des récréations et des périodes libres, une personne autiste a de la difficulté à gérer ses sens; elle voit plusieurs personnes marcher, elle entend plein de gens parler, son sens du toucher va être plus sollicité, elle peut même manger, tout cela en même temps. Alors, les récréations et périodes libres se passeraient dans les classes respectives. Un « tableau de choix» serait présenté en grand groupe. Par exemple, la personne pourrait avoir le choix de : jouer sur sa tablette, lire un livre, colorier, écouter de la musique, faire un casse-tête, etc. C’est une façon visuelle de montrer à ces personnes qu’est-ce qu’elles peuvent faire pour s’occuper dans ces temps-là. Cet outil l’aiderait dans ses choix.

Pour que les parents des élèves comprennent mieux le comportement de leurs enfants lorsqu’ils arrivent de l’école, chaque élève aurait un carnet de communication.  Ils expliqueraient aux parents s’il s’est passé des événements anxiogènes, des situations problématiques ou tout simplement des réussites.

Il est important de savoir que si l’enseignant(e) devait s’absenter, l’éducatrice surveillerait et aiderait les élèves pendant que des capsules vidéo seraient présentées sur le tableau blanc interactif qui remplaceraient son enseignement. Dans ces capsules, ce serait l’enseignant(e) qui expliquerait les matières, et celles-ci seraient filmées à l’avance afin qu’elles puissent être visionnées par les  élèves quand l’enseignant(e) ne serait pas là. Une nouvelle personne, c’est beaucoup moins facile à gérer pour l’élève présentant un TSA (trouble du spectre de l’autisme). Il doit la connaître, s’habituer à son fonctionnement, à son ton de voix, prendre une photo de celle-ci dans sa tête et l’intégrer dans sa mémoire. Ce serait également le même enseignant d’années en années; ce serait plus prévisible pour les élèves et celui-ci connaîtrait déjà les élèves et leur fonctionnement.

Lorsque les classes écouteraient des films pour une activité ou une période récompense, les films réguliers d’une durée d’une heure et plus seraient remplacés par des mini films d’une durée de vingt ou de vingt-cinq minutes. Pour les neurotypiques, un film, c’est comme une récompense ou une relaxation. Pour moi, c’est comme si je travaillais.  Je dois gérer le volume, je dois essayer fort de comprendre pourquoi telles actions se passent dans telles scènes, je dois me demander pourquoi le personnage fait telle chose,… De plus, les élèves seraient préparés à l’avance quand il y aurait des activités spéciales afin d’éviter de créer l’effet surprise et que les élèves soient anxieux.

Lorsqu’il y aurait des sorties scolaires, les élèves seraient préparés bien à l’avance afin d’éviter qu’ils soient tous trop stressés.  Ce serait le même transport scolaire que le matin et le soir qui transporterait les élèves. Les sorties se passeraient généralement en extérieur, afin de diminuer l’impression d’être « collés et serrés» lors des sorties intérieures lorsqu’il y a trop de personnes et aussi pour diminuer le bruit. Il pourrait y avoir par exemple, en été,  des sorties au zoo, au parc, à la plage et en hiver, des sorties dans les sentiers, les centres de ski et les patinoires extérieures.

Il n’y aurait pas trop d’affiches sur les murs et les tableaux dans la classe car « trop de visuel» pour une personne autiste, c’est comme s’il n’y en avait pas assez; il doit avoir un juste équilibre dans le visuel. De plus, les élèves risqueraient d’être déconcentrés durant leurs apprentissages ou surchargés s’il y avait trop d’affiches.

Pour que les élèves comprennent mieux la notion du temps, il y aurait un « Time-Timer» dans chaque salle de classe. Je vous explique : un « Time-Timer », c’est une minuterie visuelle et sonore qui indique combien il reste de temps avant la fin d’une tâche ou d’une activité.

À chaque fois que la cloche sonnerait, les élèves auraient plus de temps pour ranger leur matériel, par exemple six ou sept minutes avant la fin du cours. Ces personnes en ont besoin de ce surplus de temps. Si la cloche était déjà sonnée et que les élèves seraient en train de ranger leur matériel, cela créerait de l’anxiété inutile et cela pourrait même empêcher les élèves de faire leur rangement correctement sous le stress, comme insérer une feuille dans un cahier à anneaux.

Lors des retours de vacances (par exemple, après Noël, la semaine de relâche et les vacances d’été), les apprentissages seraient moins demandants et seraient plus « mollos» car chez la personne qui présente un TSA,  réintégrer une certaine routine après un long congé est beaucoup plus long qu’une personne neurotypique. Cela ne prendra pas qu’une seule journée pour réintégrer la routine.

Le personnel de l’école respecterait le rythme de socialisation avec chacun car les personnes autistes ne sont pas toujours prêtes à le faire. Parfois cela leur crée du stress et ils se sentent mal à l’aise et parfois ils ne sont pas encore rendus à franchir cette étape.

Adaptations  dans les spécialités

En éducation physique, les consignes de chaque jeu seraient expliquées visuellement  avec des images sur un tableau pour nous aider à comprendre. Il  y aurait des sports individuels tels que : « dribbler» un ballon,  course, entraînement physique individuel qui remplaceraient les sports d’équipes. Pour moi, dans les jeux d’équipes, il y a trop de choses à gérer; la proximité des nombreuses personnes, les consignes du jeu, l’écho, la vitesse du jeu et savoir où me situer dans le gymnase.

En arts plastiques, l’enseignant(e) expliquerait les consignes visuellement. Lorsque les personnes neurotypiques utilisent trop de mots, les personnes présentant un TSA ont de la difficulté à gérer tous ces mots en même temps dans leur tête. Les projets seraient aussi moins demandants pour les élèves qui ont de la difficulté en motricité fine et il y aurait un peu moins d’étapes à réaliser, mais ceux-ci seraient tous aussi beaux!

La classe de musique serait adaptée. Il y aurait des instruments de musique tels que des xylophones, un piano, des violons, des triangles, des petits tambourins et des claviers.  Le son de chaque amplificateur serait également très bas lorsque l’on brancherait certains instruments à ceux-ci pour y jouer.

Adaptations anxiété

Pour calmer l’anxiété et les crises des élèves, une boîte avec des objets sensoriels serait disponible dans chaque classe. Il pourrait y avoir par exemple des objets à manipuler, des balles molles, des pâtes à textures différentes, des jouets lumineux, des élastiques pour étirer, etc. Je dois vous dire que les objets sensoriels sont nécessaires dans les classes pour élèves autistes.

Un élève anxieux aurait droit à une « pause de cerveau» dans un endroit calme dans l’école. Je vous explique : lorsque la personne autiste en a besoin, c’est lorsque ses sens sont trop sollicités à la fois et qu’elle est surchargée. Toutes les informations dans son cerveau éclatent, un peu comme du maïs soufflé dans un four micro-ondes. Je vous propose un petit exercice pour mieux comprendre la sollicitation des sens; faites jouer un CD de musique avec le volume très haut, sentez plein d’odeurs différentes en même temps, regarder quelqu’un courir très vite et touchez à des textures agressantes et ce, toutes en même temps.  Est-ce-que vous aimez cela?

Le transport scolaire pour se rendre à l’école et partir de l’école serait adapté. Les autobus et minibus seraient remplacés par des taxis car il y a beaucoup moins de passagers, il y a beaucoup moins de bruits et cela est plus facile à gérer pour les élèves autistes, surtout en fin de journée parce qu’ils sont plus susceptibles d’être fatigués.

Je suis conscient que cette école n’existe pas, qu’elle n’est qu’un rêve pour moi. Je peux vous dire que si cette école existait, je pourrais dire : « Maintenant, je serre l’école dans mes bras»!  Vous, chers lecteurs, quels sont vos plus grands rêves?

Dans le prochain article, je vous parlerai de «  comment mes sens fonctionnent ».

Merci encore une fois de m’avoir lu et je vous dis à la prochaine!

Thomas

 

Les imprévus et les changements

Les imprévus et les changements

Bonjour à tous!  Aujourd’hui, tel que mentionné dans mon deuxième article, je vous parle de ma façon d’agir face aux imprévus et aux changements. Bien sûr, chaque personne autiste a sa façon d’agir! Je vais vous expliquer comment j’ai vécu les changements par ordre chronologique jusqu’à aujourd’hui.

Lorsque j’étais un très jeune enfant,  si je portais un nouveau pyjama, je ne me reconnaissais plus. Je disais même que je ressemblais à quelqu’un d’autre. Mon cerveau disait aux fonctions de mon corps : « Remettez-moi le même pyjama que d’habitude, ça presse!».  Aussi, lorsqu’on allait faire nos achats et qu’il y avait un arrêt qui n’était pas prévu, je n’étais plus disponible pour continuer.  Également, si mon émission favorite était changée d’heure, je pouvais lire et relire le guide de télévision intensément pour mieux intégrer le changement.

Cela m’amène à parler de la prévisibilité. Quand j’étais un jeune enfant,  les solutions qui m’aidaient étaient d’utiliser des pictogrammes car je comprends beaucoup plus facilement par le visuel que par l’auditif.  De plus, un horaire visuel détaillé de ma journée m’aidait beaucoup à connaître les activités à l’avance.  Aussi, lorsqu’il y avait un changement dans l’horaire, il y avait un pictogramme «point d’interrogation» au moment où le changement allait survenir et on m’expliquait le changement avec du visuel.

Lorsque j’allais à l’école, je prenais l’autobus #308. Un matin, j’ai aperçu que c’était un nouvel autobus et qu’il n’avait pas de numéro. J’avais « les deux pieds dans la colle». Je vous explique : Je restais sur place et je ne voulais pas embarquer dans l’autobus. Cette nouvelle image ne correspondait pas à celle que j’avais dans ma mémoire. Cela créait un non-sens et me rendait anxieux.  Lorsque j’ai finalement réussi à y entrer, j’ai remarqué que  les sièges étaient plus hauts. J’ai pris du temps à m’asseoir car ce n’était pas comme à l’habitude. Un autre non-sens dans mon cerveau. Finalement, j’ai réussi à faire le trajet. Par contre, après l’école, quand je suis revenu à la maison, j’étais à 10 sur 10 sur mon thermomètre de la colère. Je ne comprenais pas pourquoi l’autobus du matin était différent! Je dois vous préciser que je me repérais beaucoup par les numéros des autobus scolaires et par les numéros de portes des locaux dans l’école (c’est toujours comme ça pour moi aujourd’hui). Aussi, lorsque l’on faisait un trajet différent avec des détours pour aller à l’école, le soir à la maison, je vivais les mêmes sentiments de colère car je ne comprenais pas pourquoi ces détours avaient été faits et pourquoi ce trajet différent devait-il avoir lieu.

Autre situation, lorsque je revenais de l’école et qu’il y avait un nouveau cadre dans la maison tel que ma photo scolaire, je le remarquais tout de suite, et cela me rendait anxieux. Ce qui m’aide lorsqu’il y a un changement physique dans un lieu c’est de m’en avertir à l’avance et de le faire en ma présence.  Cela peut être même pour un changement positif  comme  les décorations pour les fêtes de l’année (c’est un intérêt pour moi).

Ce qui m’aidait à l’école pour les changements d’horaire ou de personnel, c’était que l’on m’avertisse à l’avance par écrit. Par contre, je ne devais pas voir trop de feuilles de changements à la fois sur mon pupitre car je devenais aussi anxieux.  Pourquoi une feuille? Parce qu’une feuille, ça ne change pas. Tu n’as pas à gérer le visage, le ton de la voix, les expressions faciales, les émotions de l’autre, etc. Tandis qu’une personne, tu as tous ces éléments à gérer.

Manu explique: « Thomas comme plusieurs personnes ayant un TSA maîtrise difficilement la « Théorie de l’esprit ». Plus clairement, cette théorie nous permet de décoder les intentions et les émotions des autres et même de réussir à nous mettre à leur place. La théorie de l’esprit est entre autre responsable de l’empathie. C’est pour cette raison que plusieurs racontent (à tort!) que les autistes n’ont pas ou peu d’empathie. Ils ont de la difficulté à saisir les émotions des autres. Puisque le visage transmet énormément de ce type d’informations, il est donc souvent très difficile pour un autiste de regarder dans les yeux… et on ne devrait pas les obliger à le faire d’ailleurs. Les yeux, les sourcils et le front sont les éléments du visage qui transmettent le plus de ces informations. Surtout en bas âge, demandez-leur de regarder la bouche à la limite… celle-ci a beaucoup plus de valeur. Elle concrétise le son. »

Le soir à la maison, j’intégrais toutes les informations en reproduisant toute la scène vécue dans ma journée avec mes autobus et mon école jouet. Je devais également répéter plusieurs fois les mêmes mots (écholalie) avant d’être capable de faire une autre action. L’imprévisibilité étant difficile à gérer pour une personne autiste, c’était difficile de me ramener après avoir su qu’il y avait un changement anxiogène qui approchait!

L’écholalie selon Manu : « Tous les enfants apprennent et développent leur langage avec l’écholalie. Pensez notamment à aux premiers « papa » ou « maman » qui sont répétés par les enfants à plusieurs reprises et encouragés par les parents. Chez les personnes autistes, l’écholalie a aussi une autre fonction : celle de traitement de l’information. Il n’est donc pas rare qu’une personne TSA répète le même mot ou la même phrase afin de les aider à trouver une solution ou pour intégrer une nouvelle information. Si je reviens à mon exemple de disque dur et d’ordinateur du blogue précédent, imaginez le petit cercle qui tourne pendant que vous ouvrer un fichier ou un programme… Et, entre vous et moi, on le fait aussi tous. Réfléchissez à toutes les fois où pour réfléchir à une question qui vous est posée, vous vous la répétez à voix haute ou dans votre tête? »

Voici d’autres exemples vécus sur l’heure du dîner à l’école qui peuvent vous paraître banals mais pour moi étaient très difficiles à gérer.  Par exemple, dans la cafétéria, je m’étais aperçu que les tables avaient été reculées; ma principale préoccupation était de savoir si je pouvais quand-même manger à côté de mon amie. Un autre midi, je m’étais aperçu qu’une  nouvelle affiche avait été ajoutée pour le respect des règles; cela venait me déranger car ce n’était pas comme à l’habitude et un autre midi, j’ai changé de groupe et de responsable; cela m’a rendu aussi très nerveux.  C’était tous de gros changements pour moi!  Le jour, à l’école, je pouvais me contenir, mais lorsque j’arrivais à la maison, j’explosais comme un volcan à cause des changements.

J’avais également de la difficulté à reconnaître une personne si elle avait un changement physique sur elle (par exemple le changement de coiffure, le port d’une casquette,…). Je dois vous dire que lorsque je vois une personne une première fois, je la photographie avec mes yeux et je conserve l’image dans mon cerveau. Alors, si la personne a un petit changement physique sur elle, je ne la reconnais plus, car ce n’est pas l’image que j’ai d’elle. (Aujourd’hui, j’ai encore cette difficulté).  Également, je ne comprenais pas que je pouvais voir une personne que je connaissais dans un autre lieu que d’habitude comme par exemple : le personnel de l’école à l’épicerie car l’image de cette personne dans ma tête était : «  je vois habituellement  cette personne à l’école et non à l’épicerie ».  Cela ne fonctionnait pas pour moi!  (Aujourd’hui, je n’ai plus ce problème-là!)

L’outil « Avant / Maintenant » (qui est visuel) m’aidait beaucoup à comprendre les transitions, par exemple :

L’outil « Maintenant / Après » m’aidait également beaucoup:

Maintenant que je suis adolescent, lorsque je vis des changements (qu’ils soient positifs ou négatifs), j’intègre la nouvelle information par l’écriture. Je peux écrire beaucoup le soir, après avoir vécu le changement, et ce, intensément. Je peux même encore répéter des mots en lien avec le changement, car je fais encore un peu d’écholalie et cela m’aide encore plus à intégrer le changement.

Ce qui m’aide encore quand je vis un changement important (comme un changement d’école ou de classe), c’est de « scanner» les lieux. Je vous explique : « scanner» les lieux pour moi, c’est prendre des photos avec mes yeux du lieu et de toutes les petites choses que je trouve importantes de garder en mémoire (par exemple : mon pupitre, le tableau blanc interactif, les fenêtres, les toiles, les ordinateurs, le bureau de l’enseignante, la couleur des murs, la couleur et les motifs du plancher,…). Je dois également rencontrer à l’avance le nouveau professeur et la nouvelle éducatrice pour que je conserve leur image dans mon cerveau.

Je dois vous dire une chose; même si je sais lire et même si je comprends les mots, lorsqu’on m’explique quelque chose sous forme de visuel (dessins, pictogrammes, séquences), je comprends encore mieux! Le visuel restera toujours un très bon outil pour moi qui fonctionnera toujours.

Pour moi, le plus difficile de tous les imprévus sont les pannes et petites interruptions d’électricité  car ceux-ci sont imprévisibles; tous les appareils  s’arrêtent en même temps, toutes les lumières se ferment en même temps et de plus, cela peut arriver à n’importe quel moment dans la journée! Alors à ce moment-là, j’essaie de m’occuper du mieux que je peux, mais cet imprévu n’est vraiment pas facile pour moi.

Aujourd’hui, je gère mieux les changements que lorsque j’étais plus jeune mais cela reste toujours un défi pour moi étant donné que l’imprévisibilité existe encore et que l’on ne peut pas la contrôler.

Permettez-moi de vous donner une suggestion pour les changements : si une personne neurotypique ne peut pas annoncer un changement à une personne autiste (par exemple parce qu’elle ne savait pas qu’il allait arriver un changement), la personne neurotypique doit laisser le temps à la personne autiste d’intégrer la nouvelle information et elle devra également comprendre que la personne autiste pourra être anxieuse et fatiguée car il y aura à ce moment-là beaucoup de choses à gérer pour elle.

L’explication de Manu : « Laissez-lui le temps!! Ne surchargez pas son cerveau de 1001 explications ou informations à ce moment. Bien que vous serez bien intentionné, cette surcharge d’informations augmentera le délai de traitement de l’information et possiblement aussi l’anxiété que cet imprévu aura créé. On ne peut prévoir l’imprévisible alors n’ajoutez pas plus d’éléments à traiter Dernier petit conseil pour le moment : Diminuez aussi le « flux sensoriel », ça aidera! Plusieurs autistes « fonctionnent un sens à la fois »… Plus il y en aura d’impliqué, plus la charge sera difficile à gérer et plus long le traitement de l’information sera. »

Lorsqu’il y a un changement, la personne autiste ne peut plus faire ce qu’elle a à faire contrairement à la personne neurotypique qui pourra quand-même car la différence d’intégration de l’information se fait plus lentement chez la personne autiste et les informations de celle-ci sont classées par groupes d’images. Aussi, lorsqu’il y a un changement de personnel, même si la nouvelle personne est très douce et très gentille et qu’on la présente à la personne autiste, cela reste quand-même un changement à gérer et cela va prendre un certain temps à la personne autiste avant que le tout soit intégré.

J’espère que ce troisième article vous en a appris un peu plus sur comment je gère les changements. Dans le prochain article, je vous parlerai de l’un de mes rêves en tant que personne autiste. Je vous souhaite une excellente journée et je vous remercie énormément de me lire!  À la prochaine!

Thomas

Mon école de rêve

Mon été à la Colonie

Août 2019

Mon été à la Colonie

 

Bonjour à vous tous!

Aujourd’hui, vous allez découvrir un endroit que j’aime vraiment beaucoup; La Colonie.
C’est un camp d’été adapté où j’adore aller depuis quelques années. Quand tu passes ton
été au camp de la Colonie, c’est comme si tu partais en voyage… Tu sors de l’ordinaire,
tu pars à l’aventure! Laissez-vous plonger dans cet univers magique et fantastique et ce,
tout au long de votre lecture.

Si vous saviez comme c’est merveilleux la Colonie. Là-bas, un sens fonctionne à la
fois… Je vais vous expliquer comment fonctionnent mes sens avec un exemple que je
disais quand j’étais plus jeune, à propos des gymnases : « Dans un gymnase, c’est
comme si mes oreilles s’endorment et que mes yeux disparaissent. Mon cerveau dit
que ça ne fonctionne pas. » Je le disais car il y avait trop de personnes, trop de stimuli à
la fois et l’écho me dérange. De plus, ce qu’une personne neurotypique entend, pour moi,
c’est beaucoup plus fort. Aujourd’hui, je tolère mieux les gymnases mais je reste sensible
aux bruits. 

Revenons à la Colonie. Si je vous décrivais d’abord les lieux. Que diriez-vous de voir la
rivière apaisante et reposante avec une table à pique-nique située dans la forêt? Vous
seriez probablement déjà reposés juste en y entrant. Et que dire de la salle sensorielle? 
Elle est reposante avec ses coussins confortables, la lumière colorée qui projette sur les
murs et l’aquarium lumineux.  La pièce est sombre mais par contre, il y a des lumières
douces.  Je trouve cet effet très beau et calmant. Ceci me fait penser aux objets sensoriels
qui me font du bien dans ma vie, que j’ai déjà utilisés beaucoup dans le passé, comme les
colliers mâchouilles, les balles antistress,  les mâchouilles de crayons, la veste à pression,
les coquilles contre le bruit et une bouteille sensorielle que j’ai moi-même fabriquée à la
Colonie…  Ils m’ont tous fait du bien, mais maintenant je les utilise uniquement lorsque
je suis anxieux.  Dans la salle sensorielle de la Colonie, si j’avais un « calmomètre »,
l’aiguille serait dans le vert. Je vous explique : un « calmomètre » est un outil visuel avec
3 parties : vert avec un bonhomme sourire, jaune avec un bonhomme neutre et rouge avec
un bonhomme triste. Et selon notre état de calme, on place l’aiguille dans la bonne
couleur.

L’aire de jeux est superbe, la piscine est géniale;  il y a même des jeux et accessoires
d’eau… J’y vais très souvent surtout lorsqu’il fait chaud!

Les activités que j’aime y faire sont : chasser  des grenouilles et des papillons, me
balancer, faire du vélo, sauter dans le trampoline, cuisiner et faire des activités de groupe,
tels que : les ballons d’eau, l’atelier sur les cinq sens et les journées thématiques.

Je me sens très bien quand je vais à la Colonie. C’est du bien-être pur, c’est un endroit
pour se recentrer.  Je suis très heureux d’y être et je voudrais que ça dure plus longtemps
qu’un été car je trouve ça trop court.

Il n’y a pas que les lieux que j’apprécie, mais aussi les participants(es) et les
intervenants(es)! Chaque participant possède de grandes qualités et ils sont gentils,

attachants et ne jugent personne.   Les intervenants(es) de l’AIS, quant à eux, ont les
qualités suivantes : ils sont professionnels, ils ont la capacité de s’adapter à chaque
participant et ils sont créatifs!

Avec mon autisme, chaque petite modification apportée  à la Colonie ou ailleurs, comme
par exemple un nouvel intervenant, un nouvel objet ou une nouvelle activité prendra un
certain temps à intégrer dans ma mémoire photographique.  Ma façon de traiter
l’information est différente des non-autistes. « Ma mémoire voit une nouvelle chose ou
une nouvelle personne, la prend en photo et l’envoie dans mon cerveau pour toujours afin
de créer une nouvelle information dans ma mémoire.   Je compare ça à des tiroirs.
Plusieurs images sont classées dans ces tiroirs selon leur catégorie, et après on peut y
avoir accès à n’importe-quel moment.   La prochaine fois que je la reverrai, l’information
sera déjà existante dans mon tiroir et il me suffira d’aller la rechercher, je serai donc
moins anxieux.

Manu, le directeur de l’AIS (celui qui me donne cette merveilleuse chance de faire ce
blogue) vous le traduirait de la façon neurotypique suivante:

« Vous pourriez comparer ça à un ordinateur. Plusieurs dossiers et fichiers sont classés
sur le disque dur et après on peut y avoir accès en quelques clics. Dans le cerveau de
Thomas, il existe plusieurs dossiers.  Ainsi, il peut s’y référer au besoin quand il arrive
dans un lieu.   Une fois l’information traitée, il aura compris la modification. Ça ne se fait
pas automatiquement pour lui.  Il doit faire ce processus par lui-même, dans son cerveau.
C’est comme conduire une voiture manuelle. Tu dois changer les vitesses toi-même
comparativement à une voiture automatique dans laquelle tout se fait simplement. Il doit
piloter son corps. »

J’espère que ce 2e blogue vous a fait apprendre plus de choses sur mon camp d’été adapté
et sur moi.

Bien sûr, comme dans le premier article, j’ai expliqué mon autisme mais je vous rappelle
que chaque personne autiste est différente. Il y a autant d’autismes que d’autistes disent
les spécialistes.

Dans le prochain blogue, je vous parlerai de ma façon d’agir face aux imprévus et aux
changements.

Je vous souhaite une belle et reposante journée et merci beaucoup de m’avoir lu!

Bye et à la prochaine!

Thomas